Au plus fort de la COVID, la communauté scientifique a bénéficié de budgets pour lancer des recherches à une vitesse sans précédent. Les vaccins ont sauvé
des dizaines de millions de vies et, parallèlement, les connaissances accumulées sur les symptômes ont servi à des milliers d'hôpitaux. La question était alors de combattre un nouveau
virus. Mais aujourd'hui, la question est devenue: comment combattre un virus qui est devenu trop familier ?
Lorsqu'ils sont arrivés dans le décor, certains des vaccins -parmi
la douzaine de ceux approuvés dans un grand
nombre de pays- avaient un taux d'efficacité de 95% pour réduire les cas graves conduisant à des hospitalisations. Deux ans plus tard, les variants ont bien sûr érodé cette efficacité,
tout comme
ils ont érodé celle de médicaments qui avaient soulevé beaucoup d'espoirs, comme les anticorps monoclonaux.
Ils demeurent efficaces à des niveaux différents d'alors, mais le problème ne se pose plus de la même façon. Au début de la
campagne de
vaccination, ces vaccins avaient été testés,
ironise le médecin pathologiste Benjamin Mazer dans
The Atlantic, "sur un type d'humains qui n'existe pratiquement plus:
Homo uninoculatus uninfectus, c'est-à-dire une personne qui n'a ni été malade à cause de la COVID ni n'a été vaccinée".
Les vaccins originaux, tout comme des médicaments
comme le Paxlovid, avaient même exclu de leurs études initiales des
patient qui avaient déjà eu la COVID, de manière à pouvoir comparer des groupes qui avaient un "dossier vierge" devant ce virus. Une
situation qui serait évidemment impossible à reproduire aujourd'hui: à peu près tout le
monde y a été exposé, par
au moins une infection et par au moins une dose du vaccin. En 2023,
mesurer l'efficacité exacte d'un traitement -
pas juste un vaccin- par rapport à un autre est devenu pour cette raison un casse-tête.
Et comme si ce n'était pas déjà suffisamment complexe, un autre problème s'ajoute: il y a moins d'études qu'au plus fort de la crise. Les données sur l'efficacité contre les variants BA.5 circulent encore parmi les chercheurs, alors que c'est le XBB.1.5 qui
est déjà devenu dominant aux États-Unis.
Paradoxalement, des experts voient cette incertitude comme une bonne et une mauvaise nouvelle. La bonne, c'est que même si nous ne pouvons plus chiffrer le risque que nous courons, nous pouvons au moins être sûr d'être, pour la plupart d'entre nous, moins à risque de subir des conséquences graves de la COVID qu'il y a trois ans. La mauvaise nouvelle, c'est que ce constat n'inclut pas les millions de personnes immunosupprimées, ni les personnes âgées avec des
conditions pré-existantes.
Et l'autre mauvaise nouvelle,
déclarait l'expert en maladies infectieuses Paul Sax en décembre, c'est qu'à cause de cette incertitude, nous sommes incapables de faire des prédictions
sur l'évolution future des variants, ou sur la prochaine
vague, ou sur sa
gravité, faute d'avoir des données fiables.