Une découverte d'Herschel: vapeur d'eau chaude autour d'une étoile carbonée

Publié par Michel,
Source: Observatoire de paris
Illustration: (ESA / KU Leuven / LUTH / Observatoire de Paris)Autres langues:
4
Restez toujours informé: suivez-nous sur Google Actualités (icone ☆)

En utilisant le télescope spatial européen Herschel, un équipe internationale incluant des chercheurs de l'Observatoire de Paris, de l'Institut de Radio Astronomie Millimétrique - IRAM et de l'Observatoire de Grenoble en France ont découvert de la vapeur d'eau là où l'on pensait jusqu'ici qu'elle ne pouvait se former: enfouie profondément dans l'atmosphère d'une étoile géante rouge carbonée qui pulse, CW du Lion. Ce résultat, publié le 2 septembre 2010 dans la revue Nature, devrait aider à mieux comprendre comment une telle étoile évoluée produit et expulse les ingrédients clefs de toutes les formes connues de la vie.


L'étoile géante rouge carbonée CW Leonis vue par PACS et SPIRE, deux des caméras-spectromètres d'Herschel.
L'étoile est trop lumineuse pour être bien distinguée. Mais elle libère de la matière sous forme d'un vent
stellaire violent, dont une partie apparaît comme un 'choc en forme d'arc' à gauche de l'étoile dans cette image.
Les observations ont montré que la vapeur d'eau se forme en profondeur près de la surface de l'étoile,
ce qui était jusqu'ici considéré comme impossible. Les astronomes en déduisent que le vent stellaire
doit être beaucoup plus "grumeleux", hétérogène, qu'on ne pensait.
Certaines régions connaissent un vent beaucoup plus faible que d'autres.
Ce phénomène permet à la lumière ultraviolette de l'espace interstellaire d'atteindre en profondeur
les régions les plus chaudes et d'y déclencher la création de la vapeur d'eau.

Les principaux éléments constitutifs de la vie sur Terre sont l'eau et les molécules organiques à base de carbone. Les deux entités sont synthétisées en quantité par les étoiles comme le Soleil à la fin de leur vie. Quand ils vieillissent, ces astres deviennent des étoiles géantes rouges. Ils expulsent leur atmosphère. Celle-ci, on l'a déjà vu, peut contenir des molécules d'eau ou organiques ; mais jusqu'ici on pensait que les deux espèces ne pouvaient coexister. Les nouveaux résultats obtenus avec les Photodetector Array Camera Spectrometer - PACS et Spectral and Photometric Imaging Receiver - SPIRE à bord de l'observatoire Herschel lancé, en mai 2009, par l'Agence spatiale européenne ESA ont conduit à réviser cette notion par la détection de vapeur d'eau chaude qui abonde dans l'atmosphère d'une étoile géante rouge pulsante, très riche en carbone.

CW du Lion (alias IRC+10216) est une étoile géante rouge située dans la constellation du Lion. De quelques fois la masse du Soleil, elle s'étend pourtant à des centaines de fois la taille de notre étoile – dans le Système solaire, elle se prolongerait jusqu'au-delà de l'orbite de Mars. A peine détectable dans le visible, même par les plus grands télescopes, c'est la plus brillante étoile du ciel observé dans l'infrarouge, à des longueurs d'onde dix fois plus élevées que celles perçues par l'œil humain. Ceci suggère que d'énormes quantités de particules de poussière se sont condensées autour de l'astre. Elles absorbent le rayonnement visible pour le réemettre, ensuite, dans l'infrarouge.

L'étoile est classifiée comme 'carbonée'. À une distance d'environ 500 années-lumière, c'est l'objet de ce genre le plus proche de la Terre. En profondeur, dans son cœur, les réactions de fusion nucléaire convertissent l'hélium en carbone. L'astre émet actuellement 10 000 fois plus d'énergie que le Soleil. Et ses couches externes enflent en un 'vent stellaire' – un milliard de fois plus intense que le vent solaire. Cette matière est riche de nombreuses molécules à base de carbone et de particules de poussière. CW Leonis achèvera bientôt son existence en devenant une étoile naine blanche chaude entourée d'une nébuleuse planétaire – un nuage diffus de gaz et de poussière fait de la matière présente dans son atmosphère et ensuite expulsée.

Avec autant de carbone dans son atmosphère, la quasi totalité de l'oxygène devrait se trouver piégée sous forme de monoxyde de carbone CO, pensaient les scientifiques. Ce qui signifie que la molécule d'eau H2O doit être absente. Cependant, en 2001, le Submillimeter Wave Astronomy Satellite - SWAS (Satellite d'astronomie en ondes submillimétriques) a détecté des émissions de CW Leonis à une longueur d'onde particulière liée à la vapeur d'eau. Une proposition d'origine possible était alors que le vent stellaire libère des molécules d'eau à partir d'un nuage de comètes glacées autour de l'étoile.

Toutefois, désormais, Herschel a détecté la signature définitive de l'eau à des longueurs d'ondes beaucoup nombreuses. La vapeur d'eau apparaît portée à des températures allant jusqu'à 1000 degrés, ce qui implique que la vapeur d'eau se trouve distribuée à travers le vent stellaire y compris en profondeur, près de l'étoile elle-même. Le modèle de vent stellaire en interaction avec un nuage de glace cométaire doit maintenant être remplacé par celui où la vapeur d'eau est créée par des processus chimiques jusque-là insoupçonnés et déclenchés avec l'aide du rayonnement ultraviolet interstellaire. La lumière ultraviolette brise le monoxyde de carbone et libère l'oxygène qui réagit ensuite avec l'hydrogène pour former les molécules d'eau.

La seule source plausible de lumière ultraviolette est l'espace interstellaire ambiant. On savait déjà que le vent stellaire est hétérogène, 'grumeleux', et les résultats apportés par Herschel montrent que certaines régions autour de l'étoile sont effectivement presque vides. Elles permettent à la lumière ultraviolette d'atteindre les couches les plus profondes de l'atmosphère de l'étoile et d'y initier les réactions qui conduisent à l'eau.

Sur la Terre primitive, le rayonnement ultraviolet sévère en provenance de notre propre Soleil pourrait avoir joué un rôle crucial dans le déclenchement des processus prébiotiques qui ont finalement abouti à créer les briques moléculaires de la vie. Les nouveaux résultats du télescope Herschel impliquent que des réactions analogues opèrent autour d'étoiles géantes rouges qui continuent de fournir du matériel pour les nouvelles générations d'étoiles et de planètes dans les galaxies comme notre Voie lactée.


Référence:

Ces informations sont issues d'un article scientifique intitulé "Warm water vapour in the sooty ouflow from a luminous carbon star" et paru le jeudi 2 Septembre 2010 dans la revue internationale Nature.

Equipe:

Le travail d'analyse a été conduit pas 37 chercheurs ressortissants de 8 pays. L'auteure principale est Leen Decin, de l'Université catholique de Louvain (Belgique). Marcelino Agúndez de l'Observatoire de Paris, Michel Guélin de Institut de Radio Astronomie Millimétrique - IRAM et Claudine Kahane de l'Observatoire de Grenoble ont contribué en France.

Marcelino Agúndez est chercheur post-doctorant au Laboratoire Univers et Théories - LUTH, unité mixte de recherche entre l'Observatoire de Paris, le CNRS et l'Université Paris-Diderot.

L'Institut de Radio Astronomie Millimétrique - IRAM est un organisme de recherche franco-germano-espagnol. Ses activités sont soutenues en France par l'INSU/CNRS.

Le télescope Herschel

Le télescope Herschel un observatoire de l'ESA. Les instruments PACS et SPIRE ont été réalisés par un consortium d'instituts avec le soutien, en France, du CEA, du CNES et du CNRS
.
Page générée en 0.180 seconde(s) - site hébergé chez Contabo
Ce site fait l'objet d'une déclaration à la CNIL sous le numéro de dossier 1037632
A propos - Informations légales
Version anglaise | Version allemande | Version espagnole | Version portugaise