Découverte d'un nouveau mécanisme d'apprentissage social chez l'abeille

Publié par Adrien le 17/05/2019 à 08:00
Source: CNRS INEE
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Alors que les abeilles domestiques, comme d'autres insectes sociaux, dépendent de manière critique de la transmission sociale de l'information pour réussir leur recherche de nourriture et parvenir à un bon fonctionnement de leurs colonies, un nouveau mécanisme d'apprentissage (L’apprentissage est l'acquisition de savoir-faire, c'est-à-dire le processus...) social vient d'être découvert.

En réalisant des analyses comportementales et des enregistrements des mouvements antennaires des abeilles, une équipe du laboratoire Evolution, Génomes, Comportement et Ecologie (EGCE - CNRS/ Université Paris (Paris est une ville française, capitale de la France et le chef-lieu de la région...) Sud/ IRD) dirigée par JC Sandoz a montré qu'un simple contact social par les antennes agit comme un renforcement appétitif. Publiée dans la revue Current Biology, cette étude montre qu'une odeur qui n'a initialement aucun effet sur le comportement des abeilles se met à déclencher une réponse appétitive d'extension des pièces buccales lorsqu'elle est associée à ce contact social. Ce renforcement social est susceptible de faciliter l'exploitation des ressources par les abeilles, mais aussi d'autres groupes sociaux.


Abeilles domestiques (Apis mellifera) se livrant à un échange de nourriture (trophallaxie) au sein de la ruche. L'abeille receveuse (à gauche) a étendu son proboscis (trompe) pour lécher le nectar régurgité par la butineuse (à droite)
© E. Tourneret

Les abeilles domestiques, comme d'autres insectes sociaux, dépendent de manière critique de la transmission sociale de l'information pour réussir leur recherche (La recherche scientifique désigne en premier lieu l’ensemble des actions entreprises en vue...) de nourriture et parvenir à un bon fonctionnement de leurs colonies. Ainsi, à leur retour à la ruche d'un vol de butinage, les abeilles communiquent à leurs congénères des informations sur la source de nourriture butinée. Ces informations portent sur son emplacement par la réalisation d'une danse frétillante (découverte par Karl von Frisch (Le chevalier Karl von Frisch (* 20 novembre 1886 à Vienne (Autriche) – † 12 juin...), Prix Nobel de Physiologie (La physiologie (du grec φύσις, phusis, la nature, et...) ou Médecine (La médecine (du latin medicus, « qui guérit ») est la science et la...) 1973), tandis que sa nature est renseignée par l'odeur de la plante (Les plantes (Plantae Haeckel, 1866) sont des êtres pluricellulaires à la base de la...) visitée qu'elles portent sur leurs corps et par le nectar distribué par un échange de nourriture appelé trophallaxie. Ainsi informées, d'autres abeilles vont alors quitter la ruche pour aller butiner cette plante, sans passer (Le genre Passer a été créé par le zoologiste français Mathurin Jacques...) de temps à chercher d'autres ressources, optimisant ainsi fortement la récolte (La Récolte (Countrycide) est le sixième épisode de la série anglaise de science...) de nourriture de la colonie.

Pendant longtemps, on a considéré que l'échange de nectar sucré par trophallaxie était nécessaire pour informer les abeilles de la ruche quant à l'odeur de la source, les abeilles apprenant une association odeur-renforcement alimentaire. Cependant, récemment des chercheurs ont observé que ce n'était pas forcément le cas, et qu'un simple contact corporel entre les butineuses pouvait être suffisant. Mais alors quelle est la nature précise du mécanisme impliqué ? La réponse à cette question vient d'être apportée par des analyses comportementales réalisées par le laboratoire Evolution, Génomes, Comportement et Ecologie (EGCE - CNRS/ Université Paris Sud/ IRD) couplées à des enregistrements des mouvements antennaires des abeilles.

L'expérimentation consistait à immobiliser une abeille (abeille testée) dans un dispositif de contention laissant ses antennes et ses pièces buccales libres. Pour analyser les effets d'un contact social, une abeille issue de la même colonie (abeille stimulante) était alors approchée de cette abeille et les interactions antennaires entre les deux congénères étaient enregistrées, ainsi que l'éventuelle extension de la langue (proboscis) de l'abeille testée. Cette réponse comportementale est appelée réponse d'extension du proboscis (REP, ou PER en anglais). Elle est généralement associée aux comportements d'alimentation et d'échange d'aliments. Afin d'analyser de façon automatique (L'automatique fait partie des sciences de l'ingénieur. Cette discipline traite de la...) les mouvements antennaires des abeilles, les extrémités des antennes étaient marquées par un point (Graphie) de couleur (La couleur est la perception subjective qu'a l'œil d'une ou plusieurs fréquences d'ondes...). Le dispositif d'enregistrement, composé d'une caméra (Le terme caméra est issu du latin : chambre, pour chambre photographique. Il désigne un appareil...) placée au-dessus de l'abeille et munie d'une carte de traitement intégrée, permettait de suivre l'évolution des coordonnées des points de couleur, et donc le déplacement ( En géométrie, un déplacement est une similitude qui conserve les distances et les angles...) des antennes avec une très bonne résolution temporelle (90 fois par seconde).

Les résultats obtenus ont permis de découvrir une forme d'apprentissage social auparavant inconnue chez les abeilles. Chez les individus testés, un simple contact antennaire avec une congénère provoque l'extension du proboscis (REP). "Cette REP rappelle la séquence comportementale impliquée dans la trophallaxie, permettant généralement à l'abeille réceptrice de goûter le nectar apporté par la butineuse à son retour à la ruche" précise Jean Christophe Sandoz (EGCE - CNRS/ Université Paris Sud/ IRD). Après avoir associé une odeur initialement neutre à ce stimulus social, les abeilles testées commencent à produire la REP à cette odeur, exactement comme lorsqu'elles associent une odeur à une récompense alimentaire (eau sucrée) dans des expériences de conditionnement appétitif au laboratoire. Cependant, une différence cruciale réside dans le fait que lors des expérimentations réalisées ici, les abeilles testées n'obtiennent pas de récompense "réelle" (alimentaire), mais seulement un renforcement social. Cet apprentissage social peut donc jouer un rôle important dans le transfert d'informations sur la qualité (odeur) des sources de nourriture dans la colonie et agir de concert avec des processus découverts antérieurement comme la communication de la localisation de la source de nourriture par la danse frétillante.

Ces résultats montrent que le transfert de nectar n'est pas nécessaire pour l'apprentissage olfactif et que même lorsque l'abeille butineuse de retour à la colonie a totalement déchargé le contenu de sa récolte, elle peut toujours informer les autres abeilles de l'odeur d'une source alimentaire, grâce au renforcement social qu'elle fournit par ses contacts antennaires.

Cette étude révèle un nouveau mécanisme d'apprentissage social susceptible de faciliter l'exploitation des ressources par les abeilles, mais aussi d'autres groupes sociaux.

Référence

Social Contact Acts as Appetitive Reinforcement and Supports Associative Learning in Honeybees. Cholé H, Carcaud J, Mazeau H, Famié S, Arnold G, Sandoz JC. Curr Biol. 2019 Apr 8.
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