Dans le cadre d'une collaboration entre le Laboratoire d'astrophysique de Bordeaux (LAB/OASU, CNRS / Université de Bordeaux), la School of geography and the environment (Oxford University, UK) et le Tsemid institute of geography (Académie des sciences Mongol), deux chercheurs ont mis au point une nouvelle méthode permettant de reconnaître les signes d'une présence ancienne de rivières et de lacs et ainsi d'identifier des zones aujourd'hui désertiques mais susceptibles d'être le siège d'un aquifère peu profond. Ils ont ainsi pu montrer qu'il y a environ 8500 ans, un vaste lac occupait la dépression de Ulaan Nuur, dans la province de l'Omnogovi (désert de Gobi).
L'accès à l'eau dans les environnements désertiques est un problème crucial pour les pays en voie de développement, où les ressources en eaux peu profondes sont particulièrement recherchées par les communautés rurales, leur exploitation étant peu complexe et peu onéreuse. C'est le cas dans le désert de Gobi, qui couvre notamment toute la moitié sud de la Mongolie et où vivent des nomades éleveurs pour lesquels l'accès à l'eau est une nécessité vitale.
Deux chercheurs du LAB et de la School of geography and the environment ont développé une nouvelle technique qui permet d'identifier des signatures géomorphologiques caractéristiques d'anciennes rivières et d'anciens lacs et ainsi de repérer des zones propices à la présence de nappes aquifères peu profondes. Cette technique s'appuie sur l'analyse combinée de données topographiques (mission SRTM - Shuttle radar topographic mission - lancée en 2000) et d'images issues de radars orbitaux (mission ALOS-PALSAR de l'agence spatiale japonaise JAXA, lancée en 2006).
Fond topographique SRTM centré sur la dépression de Ulaan Nuur, dans le sud de la Mongolie (44.64oN / 104.06oE). Les traits continus bleu ciel et blanc indiquent les anciennes rivières qui alimentaient le lac (les deux principales étant en bleu ciel)) et les pointillés les anciens contours du lac.
Ayant étudié toute la moitié sud de la Mongolie à l'aide de cette technique, les chercheurs ont pu mettre en évidence une dizaine de sites potentiellement intéressants. Ils ont alors choisi de faire de l'un d'eux - la dépression de Ulaan Nuur située dans la province de l'Omnogovi - un site pilote, et de l'analyser plus précisément.
L'analyse des données topographiques a permis aux chercheurs de détecter d'anciennes lignes de rivage indiquant la présence d'un lac dont ils ont pu déterminer l'extension maximale: ce vaste lac recouvrait une surface d'environ 20000 km et contenait plus de 3000 km d'eau douce. L'analyse des données radar leur a quant à elle permis de mettre en évidence que ce lac était alimenté par plusieurs rivières dont deux rivières principales, l'Ongi au nord et une rivière inconnue au sud. Enfin, la confrontation à des données paléoclimatiques leur a permis d'imaginer le scénario suivant: la dépression aurait été occupée par ce vaste lac dans un passé récent (Holocène, il y a environ 8500 ans) et sa superficie aurait progressivement diminué alors que le climat devenait plus aride dans la région.
De nos jours, il ne reste plus qu'une mare de cet ancien lac, mais des puits réalisés par les nomades montrent la présence d'eau en sous-sol Il est donc fort probable qu'une quantité non négligeable d'eau soit encore présente dans le sous-sol de la région. Les chercheurs souhaitent pouvoir réaliser des forages sur site afin de vérifier la présence d'un tel aquifère et de quantifier le volume des eaux fossiles qu'il contient. À terme, leur objectif est de proposer aux autorités locales une stratégie d'exploitation et de protection de l'aquifère peu profond.
Ce travail a bénéficié d'un soutien financier du programme européen COST (Short term research mission on arid land rehabilitation) et du programme TOSCA du CNES. L'agence spatiale japonaise JAXA a fourni les images radar PALSAR dans le cadre de son programme Kyoto & Carbon Initiative.