Diminution des concentrations atmosphériques de mercure

Publié par Michel,
Source: CNRS / INSU
Illustration: © LGGE, Xavier FaïnAutres langues:
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Le mercure est un polluant toxique dont la forme gazeuse joue un rôle central dans la propagation de cette pollution. Grâce à l'analyse d'échantillons d'air prélevés dans le névé polaire de Summit au centre du Groenland, des chercheurs français du LGGE (1), en collaboration avec plusieurs équipes américaines (2) et italienne (3), ont pu estimer l'évolution, depuis la fin de la seconde guerre mondiale, des concentrations atmosphériques du mercure gazeux des moyennes et hautes latitudes Nord. Leurs travaux révèlent une forte décroissance de ces concentrations dans les années 80, qui correspond à la mise en place des premières réglementations visant à réduire les émissions de mercure. Ces résultats sont publiés dans la revue américaine Proceedings of the National Academy of Sciences.


Camp de forage et de pompage, localisé à 10 km de la station principale de Summit
afin d'éviter toute contamination par les activités de la base scientifique.

Le mercure est un polluant "global" car on le retrouve sous toutes les latitudes et au sein de tous les écosystèmes, aussi bien terrestres que marins: dans la végétation, les sols, les zones humides, les neiges ou encore les océans.

Plusieurs formes chimiques du mercure coexistent dans l'environnement: le mercure élémentaire gazeux (Hg0), le mercure divalent (Hg(II)) sous diverses associations et le méthyle mercure, une espèce organométallique extrêmement toxique. Sa forme gazeuse joue un rôle central dans sa propagation car sa stabilité chimique lui donne le temps de se disperser par voie atmosphérique sur toute la surface du globe, depuis les latitudes tempérées où se concentrent ses sources anthropiques. Il est ensuite transformé chimiquement, jusqu'à atteindre sa forme polluante de méthyle mercure qui a la particularité de se transmettre à la chaîne alimentaire, puis de se concentrer progressivement le long de cette chaîne. Cette pollution affecte tout particulièrement les populations dont l'alimentation repose largement sur la pèche, notamment en Arctique, le méthyle mercure devenant dangereux pour l'homme dès que sa concentration dans le sang dépasse 100 ?g/l (4).

Aujourd'hui, les émissions de mercure liées aux activités humaines (production de chlore, combustion de charbon ou de pétrole, incinération des déchets) comptent pour environ la moitié de son bilan global.

Pour reconstruire l'évolution temporelle de cette pollution, des chercheurs du LGGE, en collaboration avec des collègues américains et italiens, se sont intéressés à l'air contenu dans les névés polaires. La neige qui se dépose à la surface des calottes polaires (Groenland et Antarctique) se transforme en effet progressivement en névé puis en glace au cours du tassement progressif des couches successives. Or, le névé est un milieu poreux où les gaz atmosphériques peuvent circuler lentement, avant leur piégeage définitif sous forme de bulles dans la glace. L'air contenu dans un névé constitue donc une archive naturelle unique pour la reconstruction de la composition récente de l'atmosphère.
En juin 2006, les chercheurs ont prélevé des échantillons d'air le long des 80 mètres d'épaisseur du névé de Summit (point culminant du Groenland, à 3200 m d'altitude) et ont analysé son contenu en mercure élémentaire gazeux (Hg0).

Ces mesures ont permis de reconstruire pour la première fois l'évolution du mercure atmosphérique au cours des dernières décennies, les premières mesures directes et continues du mercure atmosphérique n'ayant débuté que dans les années 1990.

Bien que reconstruit au Groenland, ce signal porte la signature des émissions nord-américaines et européennes. Les chercheurs ont ainsi pu mettre en évidence un pic de concentration correspondant à des niveaux quasiment doubles des teneurs actuelles dans les années 70, suivi d'une forte décroissance dans les années 80, laquelle reflète la conséquence positive des premières réglementations encadrant les rejets industriels de mercure vers l'atmosphère, notamment le Clean Air Act américain mis en place en 1970 et ses amendements de 1977. Conduites loin des sources de pollution, ces analyses "sentinelles" témoignent donc de l'efficacité des réglementations sur un polluant majeur.

Le développement rapide des économies des pays émergents permettra-t-il de maintenir cette tendance à la baisse du mercure élémentaire gazeux ? De fait, l'enregistrement atmosphérique que viennent de publier ces chercheurs encourage l'initiative prochaine de négociations aux Nations Unies pour la mise en place d'une régulation au niveau international des émissions anthropiques de mercure.

Cette étude a été financée en France par le programme ACI Jeune chercheur du Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche et par le LGGE. Le travail de terrain était soutenu par la NSF (National Science Foundation) américaine.

Notes:

(1) Laboratoire de glaciologie et géophysique de l'environnement (CNRS et UJF).
(2) CRREL, Bowdoin College, Scripps Institution of oceanography.
(3) Université de Venise.
(4) Seuil défini par l'Organisation mondiale de la santé.
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