Des physiciens de Grenoble ont, pour la première fois, décelé un effet Hall avec des phonons (les vibrations d'un réseau cristallin, voir note en fin de news). L'effet s'est révélé par la détection d'une différence de température à travers un échantillon quand il est traversé par un flux calorifique, et qu'un champ magnétique est appliqué perpendiculairement.
Delta de température magnéto-transverse dans un échantillon pour des flux de chaleur perpendiculaires (cercles) et parallèles (carrés) au champ
L'effet Hall classique bien connu se produit quand un courant électrique traverse un conducteur dans un champ magnétique. Si les champs électrique et magnétique sont perpendiculaires entre eux, la force de Lorentz dévie les électrons sur le côté et une tension dite de Hall s'établit dans une direction perpendiculaire à celles des deux champs. Les scientifiques supposaient jusqu'alors que l'effet Hall ne pouvait pas exister pour des phonons puisqu'ils ne sont pas chargés.
En 1996, cependant, Geert Rikken du Laboratoire des Champs Magnétiques Intenses de Grenoble (LCMI) et Bart van Tiggelen de l'Université Joseph Fourier, également à Grenoble, avaient observé un effet Hall avec des photons. Désormais, Rikken, Cornelius Strohm et Peter Wyder, ces deux deniers travaillant également au LCMI, ont constaté cet effet avec des phonons.
S'inspirant de l'effet Hall du photon, ils ont supposé que la façon dont certains phonons interagissaient avec un champ magnétique externe devait signifier que leur dispersion dépendait de la direction de leur mouvement. Ceci, en conséquence, devrait générer un flux calorifique de chaleur dans une direction perpendiculaire à celle du champ magnétique et à celle de l'écoulement de chaleur appliqués (les phonons jouent un rôle important dans un grand nombre de propriétés physiques des solides dont la capacité calorifique et la conductivité thermique).
Pour rechercher cet effet, ils ont fait passer un courant de chaleur à travers un cristal de grenat de gallium terbium, un matériau paramagnétique qui est souvent utilisé dans des dispositifs magnéto-optiques, et ont appliqué un champ magnétique perpendiculairement à ce courant. Quand ils ont mesuré la température dans la troisième direction, ils ont trouvé des différences jusqu'à 200 microkelvins. De plus, cette différence de température disparaissait lorsque le courant calorifique et le champ magnétique appliqués étaient parallèles (voir la figure).
"Nous avons observé un phénomène qui était censé ne pas exister", remarque Rikken, "et nous avons prouvé que les phonons dans un champ magnétique se comportent comme des photons".
Note:
En physique de la matière condensée, un phonon désigne un quantum de vibration dans un solide cristallin, c'est-à-dire un "paquet élémentaire de vibration" ou "paquet élémentaire de son": lorsqu'un mode de vibration du cristal de fréquence définie ν cède ou gagne de l'énergie, il ne peut le faire que par paquets d'énergie hν, h étant la constante de Planck. Ce paquet est considéré comme une quasi-particule, à savoir une particule fictive associée au son. Le cristal est alors réputé échanger des phonons lorsqu'il perd ou gagne de l'énergie. Le concept permet une analogie avec la lumière qui possède des propriétés similaires: elle se manifeste tantôt comme une onde, tantôt comme un paquet d'énergie hν, qui correspond à la particule élémentaire, non fictive cette fois, appelée photon. (Wikipédia)