Une demi-heure d'activité aérobique, comme le vélo ou les jeux de ballon, améliore le fonctionnement cognitif chez les jeunes. (Photo: iStockphoto)
Il est généralement admis que l'activité physique régulière a des effets positifs sur le fonctionnement du cerveau. Mais on en connait encore très peu sur les mécanismes qui contribuent à ces résultats et les études dans ce domaine ont surtout porté sur des personnes âgées souffrant d'un déclin cognitif.
Qu'en est-il chez les enfants qui sont quotidiennement placés en situation d'apprentissage et dont les fonctions cognitives sont en plein développement ?
Malgré la diffusion à grande échelle d'informations valorisant l'exercice et la saine alimentation, la condition physique des jeunes s'est détériorée au cours des dernières décennies, souligne Mathilde St-Louis-Deschênes dans l'introduction de sa thèse de doctorat. "Mieux comprendre le lien entre l'activité physique, le fonctionnement cognitif et les mécanismes physiologiques qui sous-tendent cette relation pourrait guider l'élaboration de politiques en santé publique et en éducation", estime-t-elle.
Sous la direction du professeur Dave Ellemberg, du Département de kinésiologie de l'Université de Montréal, Mathilde St-Louis-Deschênes a donc consacré ses travaux à mesurer les effets immédiats et à long terme de l'activité physique sur les fonctions d'apprentissage chez les enfants tout en recherchant quels sont les meilleurs indicateurs de l'amélioration cognitive.
Plus grande vigilance
Une douzaine de garçons âgés de 9 à 11 ans ont participé à sa première expérience et ont été soumis à des mesures d'électroencéphalogramme avant et après une séance de vélo stationnaire d'une moyenne de 36 minutes. "Nous avons observé une augmentation des ondes alphas qui dure au moins 30 minutes après l'exercice. Les ondes alphas sont des ondes rapides associées à l'éveil, ce qui révèle un état de vigilance accrue."
Chez les adultes, des études semblables ont montré que l'effet pouvait persister plus de 60 minutes après l'exercice.
Une deuxième expérience a été réalisée avec 16 garçons et 16 filles répartis en deux groupes d'âge de 8 et 9 ans et de 9 à 11 ans. À leur tour, ils ont fait du vélo stationnaire durant 30 minutes avant d'exécuter un exercice de mémoire pendant qu'on mesurait leur activité cérébrale.
Mathilde St-Louis-Deschênes
La chercheuse s'attendait à une augmentation d'activité plus importante dans la zone associée à la mémoire de travail (composante P3b) que dans celle de la capture de l'attention (composante Nc) à cause de la complexité de la tâche à accomplir. C'est effectivement ce qui a été noté et cette augmentation de l'amplitude des ondes dans la composante P3b est attribuable à une plus grande vigilance.
Étant donné que les enfants de 8 ans ont moins de maturité cognitive que ceux de 10 ans, elle s'attendait par ailleurs à des différences de résultats entre les deux groupes d'âge, mais aucune différence n'a été remarquée.
Même si cette recherche n'incluait pas de mesures sur le plan des neurotransmetteurs, Mathilde St-Louis-Deschênes aborde au passage la mécanique neurologique par laquelle l'effet de l'activité physique se ferait sentir. Selon la littérature, cet effet passerait par des changements dans le métabolisme de l'adrénaline, de la noradrénaline et de la dopamine. Sa thèse va dans ce sens, puisque "la vigilance et la composante P3b sont intimement liées à l'activité des neurones noradrénergiques", souligne-t-elle.
Effets à long terme imperceptibles
Une troisième étude a été menée auprès d'un groupe de 19 garçons et filles (de 8 à 10 ans) qui ont participé, trois fois par semaine pendant trois mois, à un programme d'activités aérobiques (jeux de ballon) afin de mesurer les effets d'activités physiques d'intensité élevée sur la mémoire de travail, la capture de l'attention et la mémoire à long terme.
La chercheuse a été ici quelque peu déçue, car aucune amélioration n'a été enregistrée dans ces trois habiletés. L'explication qu'elle retient est que les enfants de ce groupe étaient déjà actifs et en très bonne forme physique et que le programme n'était peut-être pas assez intense pour augmenter leurs performances cognitives.
Quoi qu'il en soit, les résultats positifs de ses deux premières études l'amènent à conclure qu'une période de 30 minutes d'exercice physique en milieu scolaire peut améliorer le fonctionnement cognitif de façon suffisamment durable pour avoir des répercussions concrètes et positives en classe.
Mathilde St-Louis-Deschênes travaille aujourd'hui comme conseillère à Québec en forme, un organisme qui vise à favoriser la vie active et la saine alimentation chez les jeunes.