Une étude publiée le 19 septembre dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences présente un nouveau modèle neuro-informatique du cerveau humain qui pourrait permettre de mieux comprendre la façon dont le cerveau développe des capacités cognitives complexes et de faire progresser la recherche sur l'intelligence artificielle neuronale.
Crédit: Getty
L'étude a été réalisée par un groupe international de chercheuses et chercheurs de l'Institut Pasteur et de Sorbonne Université à Paris, ainsi que du CHU Sainte-Justine, de Mila - l'Institut québécois d'intelligence artificielle - et de l'Université de Montréal. Guillaume Dumas, de Mila et d'IVADO - l'Institut de valorisation des données -, chercheur au CHU Sainte-Justine et professeur agrégé à la Faculté de médecine de l'UdeM, fait partie de cette équipe de recherche.
Ce modèle, qui a fait la couverture de la revue, décrit le développement neuronal sur trois niveaux hiérarchiques de traitement de l'information. Le niveau sensorimoteur explore comment l'activité interne du cerveau intègre des régularités statistiques à partir de la perception sous forme de schémas et les coordonne avec l'action. Ensuite, le niveau cognitif examine la façon dont le cerveau combine ces schémas de manière contextuelle. Enfin, le niveau conscient considère comment le cerveau se dissocie du monde extérieur et manipule les schémas appris (par le biais de la mémoire) qui ne sont plus accessibles à la perception.
Les recherches de l'équipe donnent des indices sur les mécanismes biologiques qui sous-tendent la cognition grâce à l'accent mis par le modèle sur l'interaction entre deux types fondamentaux d'apprentissage: l'apprentissage hebbien, qui est associé à la régularité statistique (c'est-à-dire à la répétition) - ou, comme l'a dit le neuropsychologue Donald Hebb, "les neurones qui s'activent ensemble se connectent ensemble" -, et l'apprentissage par renforcement, associé à la récompense et au neurotransmetteur de dopamine.
Le modèle résout trois tâches de complexité croissante à tous ces niveaux, de la reconnaissance visuelle à la manipulation cognitive des percepts conscients. Chaque fois, l'équipe proposait un nouveau mécanisme de base au modèle pour lui permettre de progresser davantage.
Les résultats mettent en lumière deux mécanismes fondamentaux pour le développement à plusieurs niveaux des capacités cognitives dans les réseaux neuronaux biologiques: 1) l'épigenèse synaptique ou l'apprentissage hebbien à l'échelle locale et l'apprentissage par renforcement à l'échelle globale; 2) les dynamiques auto-organisées, issues de l'activité spontanée et de l'équilibre entre les neurones excitateurs et inhibiteurs.
"Notre modèle démontre comment la convergence entre les neurosciences et l'intelligence artificielle met en évidence les mécanismes biologiques et les architectures cognitives qui peuvent alimenter le développement de la prochaine génération de systèmes d'intelligence artificielle et même, à terme, conduire à une conscience artificielle", déclare Guillaume Dumas, ajoutant que, pour atteindre cette étape, il faudra à priori intégrer également la dimension sociale de la cognition humaine.
Les prochains travaux doivent maintenant viser cette intégration. L'équipe a déjà réalisé la première simulation biophysique de deux cerveaux en interaction. Cet arrimage aux réalités biologiques et sociales permet déjà d'approfondir notre compréhension des mécanismes fondamentaux qui sous-tendent la cognition humaine et ses troubles, notamment l'autisme. Les futurs modèles feront un pont entre l'intelligence artificielle et le seul système connu doté d'une conscience sociale avancée: le cerveau humain.