La limite Crétacé-Tertiaire plus ancienne qu'estimée jusqu'alors

Publié par Adrien,
Source: CNRS-INSUAutres langues:
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En analysant par la méthode de la cyclostratigraphie des séries sédimentaires marines prélevées dans les océans Indien et Atlantiques lors d'anciennes campagnes océanographiques des programmes internationaux "ODP" et "DSDP", une équipe de chercheurs français et américains a pu démontrer la corrélation des cycles sédimentaires avec les variations des paramètres orbitaux de la Terre et dater la limite Crétacé-Paléogène, soit à 65.59±0.07 Ma, soit à 66±0.07 Ma. Cette deuxième proposition est plus en accord avec les dernières données radiométriques, ce qui recule dans le temps cette limite de 405 000 ans par rapport à ce qui est actuellement admis.

La compréhension des processus et évènements géologiques qui ont jalonné l'histoire de la Terre nécessite l'établissement d'un cadre temporel toujours plus précis, avec comme référence constante l'échelle des temps géologiques. Cette échelle, établie à l'origine en fonction de l'évolution des espèces (biostratigraphie) est maintenant définie principalement par l'association de datations absolues, obtenues par radiochronologie, et de datations relatives, obtenues essentiellement par la biostratigraphie et la magnétostratigraphie (enregistrement des inversions de polarité du champ magnétique terrestre dans les sédiments).

Au cours des dix dernières années, une autre chronologie a pu être prise en compte, celle des paramètres orbitaux de la Terre (précession, obliquité, excentricité) qui contrôlent l'insolation à la surface de la Terre comme l'a démontré Milankovitch en 1941. Ces paramètres varient de façon cyclique avec des périodes de durées connues (respectivement ~20 ka, 41 ka, 100 et 405 ka) et influent sur la sédimentation par le biais du climat au point que des cyclicités sédimentaires ont pu être corrélées aux variations des paramètres orbitaux. Ainsi, la cyclostratigraphie repose sur la corrélation, grâce à des méthodes de traitement du signal, des cycles sédimentaires avec les évolutions des paramètres orbitaux, obtenues à l'aide de solutions astronomiques très fiables, ce qui permet d'estimer avec une grande précision les durées représentées par des séries sédimentaires, ou de tout événement enregistré dans ces séries.

Augmenter la résolution de l'échelle des temps du Crétacé, et dater précisément la limite Crétacé-Paléogène est un enjeu majeur pour la compréhension des nombreux événements qui ont lieu au cours de cette période. La limite Crétacé-Paléogène (K-Pg) présente toujours une certaine incertitude. Elle est placée à 65.5±0.4, 65.28±0.01 ou 65.957±0.04 Ma selon les méthodes et les auteurs. L'étude présentée ici visait à lever ces incertitudes afin de comprendre l'enchaînement des événements marquant le Maastrichtien (d'environ -72 à -65.5 Ma).


Carte paléogéographique simplifiée au Crétacé supérieur avec le positionnement des sites étudiés. Ces sites couvrent un intervalle qui s'étend du Campanien supérieur jusqu'à la limite Crétacé-Paléogène.

Pour cela, les auteurs ont procédé à l'analyse cyclostratigraphique de plusieurs séries sédimentaires océaniques présentant un cadre bio- et magnétostratigraphique solide et provenant de forages réalisés lors de leg ODP (Ocean Drilling Program) dans l'Océan Indien, l'Atlantique équatorial et l'Atlantique sud, et d'un leg DSDP (Deep Sea Drilling Program) dans l'Atlantique Sud. Ils ont utilisé la solution astronomique la plus récente (et plus précise), nommée La10 (La, pour l'astrophysicien Jacques Laskar, co-auteur qui a mis au point la solution, et 10 pour 2010, la solution précédente date de 2004).


Cadre cyclostratigraphique pour le Maastrichtien supérieur. Sur les forages 525A et 762C l'analyse cyclostratigraphique a été réalisée sur les variations de couleur des sédiments traduites en niveaux de gris (courbe bleu foncé), sur le forage 1267B, elle a été réalisée sur les variations de susceptibilité magnétique (courbe bleu foncé). De ces enregistrements sont extraits la trace des cycles d'excentricité à 100 ka (courbe bleu clair) et à 405 ka (courbe noire). Chacun de ces cycles à 100 et 405 ka est numéroté en fonction de sa position par rapport à la limite Crétacé-Paléogène (K-Pg).

L'étude cyclostratigraphique réalisée sur ces sites a permis de détecter un contrôle orbital de la sédimentation sur l'ensemble des séries étudiées, avec l'enregistrement de cyclicités correspondant aux variations de l'excentricité à 100 et 405 ka, de l'obliquité et de la précession. Lorsqu'un tel contrôle orbital de la sédimentation est mis en évidence, cela signifie qu'un cycle attribué à l'excentricité à 405 ka a duré effectivement 405 ka. Il est ainsi possible de créer une nouvelle échelle en temps pour les séries, basée sur l'identification des cycles.

L'association des séries sédimentaires présentant le meilleur enregistrement du contrôle orbital a permis de créer un cadre cyclostratigraphique détaillé, où chaque cycle à 100 et 405 ka est numéroté en fonction de sa position par rapport à la limite Crétacé-Paléogène (K-Pg). Ce cadre constitue une échelle de temps relative couvrant 8 Millions d'années, depuis le Campanien supérieur jusqu'à la limite Crétacé-Paléogène. La durée de chaque magnétochrone (du C32r2r au C29r) a ainsi pu être estimée avec une précision de l'ordre de 0.03 Ma. Cette étude fourni ainsi les premières contraintes de durée sur les taux d'accrétions océaniques Mésozoïques basées sur l'enregistrement des paramètres orbitaux. En effet, les valeurs des taux d'accrétion océanique ont été jusqu'alors estimées à partir de modèles d'expansion océaniques. Ces modèles présentent encore des incertitudes car ils sont eux-mêmes basés sur des l'association de données magnétostratigraphiques à de datations radiochronologiques obtenues par l'étude de coupes à Terre.


Les cycles d'excentricité identifiés sur trois des sites analysés (du cycle Ma4051, au Maastrichtien terminal, jusqu'au cycle Ca4054, au Campanien supérieur) permettent de définir un cadre temporel sur plus de 8 Ma. Ce cadre est comparé aux variations d'amplitude des cycles à 405 ka extraits du modèle astronomique La2010. Cette comparaison permet ainsi de dater l'ensemble de l'étage Maastrichtien et de la séquence de polarité magnétique qui lui correspond (du magnétochrone C29r au magnétochrone C33n) entre 66 et 75 Ma. Ces nouvelles datations impliquent un âge pour la limite Crétacé-Paléogène (K-Pg) de 66 +/-0.07 Ma (dans l'option la plus en accord avec les dernières datations radiométriques autour de cette limite).

Comme la précision des solutions astronomiques diminue dans les temps anciens, en raison du caractère chaotique du mouvement des astres dans le système solaire. Seule l'évolution des minima et des maxima de l'excentricité à 405 ka, moins influencée par des mouvements chaotiques, peuvent être calculés avec une précision suffisante sur 200 Ma pour permettre la calibration d'une série sédimentaire mésozoïque. Pour cette raison, deux échelles astronomiques, décalées d'un cycle d'excentricité à 405 ka, ont donc été établies. Il s'en suit que l'âge de la limite Crétacé-Paléogène a été estimé à 65.59±0.07 Ma ou 66±0.07 Ma, cette deuxième proposition plus probable car en accord avec les dernières datations radiométriques implique un vieillissement de l'âge de la limite K-Pg d'au moins 405000 ans.
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