La morue arctique est l'espèce pélagique dominante dans les eaux polaires canadiennes. Elle représente 95% des assemblages de poissons de ce milieu.
La morue arctique devrait profiter de la disparition de plus en plus hâtive du couvert de glace et du réchauffement de la température de l'eau provoqués par les changements climatiques, révèle une étude menée par des chercheurs de Québec-Océan. Ces résultats, présentés lors de la 14e assemblée générale annuelle de ce regroupement interuniversitaire, qui se déroulait sur le campus les 10 et 11 novembre, laissent planer la possibilité d'une augmentation marquée des stocks de cette espèce à court ou à moyen terme, a souligné Maxime Geoffroy, qui consacre sa thèse à ce sujet.
La morue arctique est une espèce dominante dans les eaux arctiques canadiennes. "Elle forme 95% des assemblages de poissons pélagiques de ce milieu, signale le doctorant au Département de biologie, qui réalise ses travaux dans l'équipe du professeur Louis Fortier. C'est une espèce "entonnoir" qui canalise 75% de l'énergie entre le zooplancton et les niveaux trophiques supérieurs où se retrouvent les oiseaux marins, les phoques et les bélugas."
En théorie, les changements climatiques devraient profiter à cette espèce. En effet, les conditions climatiques plus clémentes devraient conduire à une hausse de la production du phytoplancton et, par effet domino, à une augmentation du zooplancton et des organismes qui s'en nourrissent. Pour vérifier cette hypothèse, Maxime Geoffroy a utilisé des données recueillies entre 2010 et 2014 sur les populations de poissons du golfe d'Amundsen et de la mer de Beaufort à l'aide d'un échosondeur installé à bord du brise-glace NGCC Amundsen. Cet appareil émet des ondes qui sont réfléchies lorsqu'elles frappent un objet. L'analyse des ondes réfléchies permet de déterminer le nombre de poissons, leur taille et leur biomasse.
La débâcle est survenue de 5 à 8 semaines plus tard en 2013 et en 2014 que lors des trois années précédentes, ce qui s'est répercuté sur la température moyenne de l'eau de surface entre mai et juillet. "La longueur des jeunes morues arctiques de l'année était positivement corrélée à la température moyenne de surface, résume l'étudiant-chercheur. L'abondance et la biomasse de morues arctiques atteignaient des valeurs significativement plus élevées les années où la débâcle survenait plus tôt."
Ces résultats, qui devront être confirmés par un suivi à plus long terme, suggèrent que les changements climatiques vont conduire à une hausse de l'abondance et de la biomasse de la morue arctique. Assez pour envisager l'ouverture d'une pêche commerciale, comme il en existe dans d'autres pays nordiques? "Peut-être que oui, dans certains secteurs de l'océan Arctique canadien, mais ce ne serait pas une bonne idée parce que tout l'écosystème marin dépend de cette espèce, répond Maxime Geoffroy. Quelques mauvaises années de reproduction combinées aux prélèvements commerciaux pourraient conduire à un effondrement des stocks, qui se répercuterait sur les populations de phoques et de bélugas dont les Inuits se nourrissent."