Nouvelle lignée génétique du virus Ebola chez les grands singes

Publié par Michel,
Source: Institut de Recherche pour le Développement. Droits réservés.
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Parmi les différentes espèces connues de virus Ebola, l'espèce Zaïre (ZEBOV) reste la plus virulente. A elle seule, elle est en effet responsable de 88 % des décès humains par fièvre hémorragique répertoriés depuis la découverte d'Ebola en 1976. C'est cette même espèce qui est d'ailleurs impliquée dans l'épidémie qui sévit depuis deux mois en République démocratique du Congo (RDC). Malgré les nombreuses données scientifiques recueillies lors des épidémies précédentes, la communauté scientifique internationale n'est toujours pas parvenue à déterminer le cheminement évolutif du virus Ebola et plus particulièrement de l'espèce ZEBOV.

Les investigations sont notamment limitées par la faible quantité de données disponibles. Seules 12 séquences de gènes codant pour la glycoprotéine (GP), structure moléculaire permettant au virus de pénétrer une cellule avant de l'infecter, ont pour l'instant été identifiées. De plus, ces séquences isolées entre 1976 et 2001 chez l'être humain semblent appartenir à une seule et même lignée génétique ayant pour origine la première épidémie répertoriée en RDC en 1976. Cette uniformité génétique apparente laissait donc supposer que les épidémies survenues depuis 1976 dériveraient toutes de la première. Mais les récentes découvertes d'une équipe de l'IRD et du CIRMF remettent en cause cette hypothèse.


La nouvelle espèce de virus Ebola baptisée souche B
a été identifiée chez six gorilles

Entre 2001 et 2006, ces scientifiques ont effectivement découvert au Gabon et en République du Congo 47 cadavres d'animaux. Parmi eux figuraient 18 dépouilles de gorilles et 5 de chimpanzés. A cause de la rapide décomposition tissulaire qui suit le décès, la recherche de séquences d'ARN codant pour la GP n'a pu être concluante que pour 6 gorilles et un chimpanzé. Leur analyse phylogénétique a néanmoins permis de révéler que le virus qui avait contaminé les sept primates appartenait à une nouvelle lignée génétique de l'espèce Zaïre. Baptisée B, celle-ci présente entre 2 et 3 % de divergence génétique avec la lignée A dans laquelle les scientifiques rangeaient jusqu'à présent l'ensemble des virus recueillis chez l'homme. Pour les besoins de cette étude, les séquences GP des souches virales responsables des épidémies humaines répertoriées depuis 2001 ont elles aussi été passées au crible de l'analyse phylogénétique. Jusqu'en 2003, celle-ci confirme que les souches virales appartiennent bien à la lignée A. En revanche, la caractérisation puis l'analyse phylogénétique des souches virales impliquées dans les deux dernières épidémies humaines survenues en République du Congo (Mandza en novembre 2003 et Etoumbi en mai 2005) prouvent que ces souches appartiennent à la lignée B.

L'équipe de scientifiques a donc voulu pousser ses investigations un peu plus loin. Une analyse phylogénétique similaire menée à partir d'une autre séquence du génome viral, codant cette fois-ci pour la nucléoprotéine (NP 1), leur a permis de conclure que les souches virales responsables des épidémies humaines survenues entre 2001 et 2003 se positionnent toutes dans la lignée B. D'après les chercheurs de l'IRD, ces résultats en apparence contradictoires apporteraient en fait la preuve que les souches sauvages du virus Ebola ont la capacité d'échanger du matériel génétique via des phénomènes de recombinaison. Alors que ce processus est aujourd'hui bien connu pour les virus à ARN positif (1) comme le VIH, il est beaucoup plus rare pour les virus à ARN négatif auxquels appartiennent les Filoviridae (Ebola, Marburg). Ce phénomène de recombinaison génétique, jamais décrit dans cette famille de virus, apporte des éléments nouveaux quant aux modalités d'émergence du virus Ebola chez l'homme et les grands singes. Il suggère également que des souches beaucoup moins pathogènes encore inconnues à ce jour circuleraient dans la nature.

D'après les estimations des chercheurs, ces événements recombinants sont survenus entre 1996 et 2001. Ils auraient notamment donné naissance aux virus responsables des épidémies apparues au Gabon et en République du Congo entre 2001 et 2003. Or si les recombinaisons génétiques font effectivement partie de l'arsenal du virus Ebola, cet élément doit être pris en compte dans la perspective d'élaborer des vaccins vivants atténués comme stratégie de prévention des épidémies de fièvres hémorragiques. Dans un tel contexte ce type de vaccins, dont le principe fondamental consiste à provoquer une vive réaction immunitaire chez un patient en lui inoculant un virus dont le pouvoir pathogène a été fortement atténué, risquerait d'engendrer des effets inattendus. Le virus atténué pourrait par exemple s'hybrider avec l'une des souches sauvages du virus Ebola et ainsi donner naissance à un nouveau virus pathogène. Afin de mieux caractériser ce phénomène, les chercheurs veulent désormais localiser précisément l'endroit du génome où s'est produit cet échange de matériel génétique entre les deux lignées du virus. Pour cela, ils doivent encore obtenir la cartographie génétique complète des différentes souches virales.

Note:
(1) Le génome des virus à ARN peut être codé dans deux directions différentes. Soit les gènes sont stockés dans la direction 5'- >3' (polarité positive ou +), comme cela est la cas avec l'ARN messager contenu dans nos cellules, soit ils sont stockés dans la direction opposée (polarité négative ou -).


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