Le mystère de la lune manquante de Sedna est résolu

Quand le lointain planétoïde Sedna a été découvert dans les confins de notre système solaire, il a posé une énigme aux scientifiques. Sedna semblait tourner très lentement sur lui-même par rapport à la plupart des autres objets, effectuant une rotation tous les 20 jours. Les astronomes ont présumé que ce monde possédait une lune invisible dont la gravité ralentissait sa rotation. Pourtant les images du télescope spatial Hubble n'ont jamais montré de signe d'une lune assez grande capable d'affecter cette rotation.


De nouvelles mesures effectuées par Scott Gaudi, Krzysztof (Kris) Stanek et leurs collègues au Centre d'astrophysique Harvard-Smithsonian (CfA) ont éclairci ce mystère en prouvant qu'une lune n'était pas nécessaire. Sedna tourne en fait beaucoup plus rapidement: une fois sur son axe toutes les 10 heures. Cette période plus courte de rotation est typique des planétoïdes de notre système solaire, n'exigeant aucune influence externe pour l'expliquer. "Nous avons résolu le cas de la lune manquante de Sedna. La lune n'a pas disparu parce qu'elle n'a tout simplement jamais été là" note Gaudi.

Sedna, monde étrange dans le système solaire

Sedna est un monde étrange dont l'orbite extrême l'emmène à près de 75 milliards de kilomètres du Soleil, soit près de 500 unités astronomiques (une unité astronomique est la distance moyenne Terre-Soleil de 149 millions de km). Sedna n'approche jamais le soleil à moins de 80 unités astronomiques, et son orbite dure 10 000 ans. En comparaison, l'orbite de Pluton le conduit de 30 à 50 unités astronomiques du Soleil et dure 248 ans.

Sedna est peu commune de bien d'autres façons. En premier lieu, c'est l'une des plus grandes "planètes mineures" connues avec un diamètre estimé à 1600 km, à comparer aux 2250 km de Pluton. Sedna affiche également une couleur exceptionnellement rouge qui n'est pas encore expliquée. "Toutes les propriétés de Sedna que nous avons pu mesurer jusqu'à aujourd'hui étaient atypiques", indique Gaudi. "Au moins, nous venons de montrer que sa période de rotation est parfaitement normale".

Les premières mesures indiquaient une période de rotation de Sedna extrême (en comparaison avec celle des autres objets du système solaire). En mesurant de petites fluctuations d'éclat, les scientifiques estimaient que Sedna tournait sur elle-même tous les 20 à 40 jours. Une telle lenteur de rotation exigeait la présence d'une grande lune voisine dont la gravité aurait pu provoquer ce ralentissement. C'est d'ailleurs pour cette raison que les images d'artistes de Sedna la représentaient alors avec un satellite compagnon. Cependant les images prises par le télescope Hubble n'ont jamais montré de lune.

Des chercheurs détectives

Menant leur enquête, Gaudi et ses collègues ont réétudié Sedna à l'aide du nouvel instrument MegaCam du télescope MMT de 6,5 du Mont Hopkins dans l'Arizona. Ils ont mesuré précisément la fréquence des variations de l'éclat du planétoïde. Comme indiqué par Matthew Holman, un des membres de l'équipe du CfA, "la variation de l'éclat de Sedna est exceptionnellement faible et pouvait avoir été facilement surdimensionnée". Les données des chercheurs du CfA sont en accord avec un modèle informatique dans lequel Sedna tourne à environ une rotation toutes les 10 heures. Leurs mesures éliminent avec certitude une période de rotation inférieure à 5 heures ou supérieure à 10 jours.

Mais, tandis que ces données résolvent un des mystères de Sedna, d'autres persistent encore. Le premier d'entre eux est la manière dont Sedna a bien pu atteindre son interminable orbite fortement elliptique. C'est un objet solitaire et unique dans notre système solaire. Les astronomes continueront longtemps à étudier ce monde étrange avant de tout pouvoir expliquer.