Sans chromosomes sexuels, comment se détermine le sexe chez le parasite du paludisme ?

Publié par Redbran le 03/01/2023 à 13:00
Source: CNRS INSB
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Chez le parasite du paludisme, Plasmodium falciparum, la détermination du sexe est un mécanisme non-génétique car ce parasite n'a pas de chromosomes sexuels. Une étude combinant la transcriptomique en cellule unique avec l'édition génétique, publiée dans Nature, montre qu'un interrupteur transcriptionnel dans le gène Pfmd1 permet la détermination du sexe mâle chez ce parasite et identifie la protéine Md1 comme une cible bloquant la transmission du paludisme.


Le cycle du parasite inclut deux étapes clés de détermination: la première lui permet de quitter le cycle asexué et de se différencier en formes sexuelles, appelées gamétocytes (progéniteurs sexuels) et la seconde conduit aux gamétocytes mâle ou femelle.
© Gomes and al.

Le parasite Plasmodium falciparum est responsable de la grande majorité des cas de paludisme et des décès, principalement localisés en Afrique sub-saharienne. Ce parasite a un cycle de vie complexe qui alterne entre l´hôte humain et le moustique: il prolifère sous sa forme asexuée dans les érythrocytes humains et peut se différencier en sa forme sexuée, appelée gamétocyte, laquelle permet la transmission de l'homme au moustique. Les mécanismes moléculaires de l'engagement vers la voie sexuée conduisant aux progéniteurs sexués ont déjà été décrits. En revanche, le mode de détermination des progéniteurs sexuels en gamétocyte mâle ou femelle demeurait jusqu'à présent inconnu. Plasmodium est haploïde (une seule copie de chaque gène) et ne contient pas de chromosomes sexuels guidant cette spécification. Ce travail décrit un mécanisme non-génétique associé au locus du gène Pfmd1 responsable du destin mâle chez ce parasite.

Les scientifiques ont caractérisé le rôle du locus Pfmd1 à l'aide de diverses méthodes, notamment en utilisant des parasites génétiquement modifiés et en analysant l'expression des gènes de chaque cellule. L'utilisation de la transcriptomique en cellule unique a été cruciale pour identifier et analyser séparément les cellules mâles, femelles et les progéniteurs sexuels (dont le sexe n'a pas encore été déterminé), dans des populations mixtes de parasites. Cette analyse démontre que l'absence du locus Pfmd1 empêche la bifurcation vers un gamétocyte mâle. De plus, l'activation forcée de ce gène transforme tous les parasites en mâles. Ce gène est donc non seulement central dans la décision cellulaire mais aussi nécessaire pour la détermination des mâles.

Une autre observation remarquable de cette étude est que la protéine Md1 ne semble pas être un facteur de transcription. Localisée dans des points focaux cytoplasmiques, la protéine Md1 est associée à des protéines impliquées dans la régulation de la stabilité ou de la traduction de l'ARNm à l'instar de ses orthologues chez les métazoaires. Par conséquent, plutôt que de réguler la transcription, Md1 contrôlerait la stabilité de molécules d'ARN participant au développement des parasites mâles.

Enfin, un interrupteur transcriptionnel a pu être identifié dans le locus Pfmd1. Ce dernier conduit à la production de plusieurs types d'ARN dont chaque type est associé à la détermination d'un sexe ou l'autre (= commutateur). L'expression d'une version "sens" complète de l'ARN messager conduit à la production de la protéine Md1, et à la détermination du sexe masculin. En revanche, l'expression d'un ARN transcrit à partir du brin opposé de l'ADN au locus md1 - un ARN long non codant - est spécifiquement associée au développement en femelle.

Dans les systèmes génétiquement déterminés, le contrôle du destin cellulaire peut s'effectuer via la présence ou l'absence d'un locus déterminant le sexe pour orchestrer la spécification de celui-ci. Dans cette étude, les scientifiques montrent que la détermination du sexe dans des cellules génétiquement identiques nécessite une organisation complexe de la régulation de gènes pivots.

Publication:
A transcriptional switch controls sex determination in Plasmodium falciparum.
Gomes, A.R., Marin-Menendez, A., Adjalley, S.H., Bardy, C., Cassan, C., Lee, M. C. S., & A. M. Talman.
2022.Nature 612, 528-533. DOI:https://doi.org/10.1038/s41586-022-05509-z
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