Pour la première fois, des chercheurs ont filmé en temps réel le désassemblage de l'ADN à l'échelle atomique. Cette séparation des brins est la première étape de la réplication de l'ADN. Cette avancée, publiée dans
Nature, éclaire un processus fondamental de la vie et ouvre des perspectives médicales inédites.
L'équipe internationale a utilisé la cryo-microscopie électronique pour observer une hélicase, une enzyme essentielle à la réplication de l'ADN. Ces travaux révèlent un mécanisme bien plus subtil que ce que l'on imaginait, avec des implications potentielles pour le traitement des infections virales et des cancers.
Le fonctionnement inédit de l'hélicase
Contrairement aux hypothèses précédentes, l'hélicase ne sépare pas instantanément les brins d'ADN. Elle agit plutôt comme un moteur moléculaire à six pistons, consommant de l'ATP pour relâcher progressivement la tension entre les brins.
Ce mécanisme permet un déroulement naturel de l'ADN, comparable à la détente d'un ressort comprimé. Les chercheurs ont également découvert que deux hélicases coopèrent pour former des "fourches de réplication", assurant une copie simultanée des deux brins.
L'étude montre que ce processus est universel, des virus aux humains. Cette conservation évolutive suggère que bloquer spécifiquement l'hélicase virale pourrait être une stratégie antivirale prometteuse, notamment contre les papillomavirus cancérigènes.
Des applications médicales et technologiques
Les hélicases des virus comme la variole ou certains cancers exploitent le même mécanisme que celles des cellules humaines. En ciblant précisément leur fonctionnement, on pourrait développer des traitements bloquant leur réplication sans affecter l'ADN sain.
Au-delà de la médecine, cette découverte inspire la conception de nanomachines synthétiques. Leur efficacité énergétique, basée sur des principes similaires, pourrait révolutionner les technologies à l'échelle moléculaire.
Grâce à la cryo-microscopie électronique, cette étude marque une étape clé en biologie structurale. Elle démontre comment des outils de pointe permettent désormais de visualiser des processus cellulaires avec une précision inégalée.
Pour aller plus loin: Comment l'ATP alimente-t-il les machines moléculaires ?
L'adénosine triphosphate (ATP) agit comme la "monnaie énergétique" universelle des cellules. Sa structure chimique contient des liaisons phosphate riches en
énergie, qui libèrent environ 7,3 kcal/mol lorsqu'elles sont rompues. Cette énergie est utilisée par les protéines motrices comme les hélicases pour effectuer un travail
mécanique à l'échelle nanométrique.
Lorsque l'ATP se fixe sur l'hélicase, il induit un changement de conformation de l'enzyme. Ce mouvement est amplifié par l'hydrolyse de l'ATP en ADP (adénosine diphosphate), qui libère un phosphate inorganique. Chaque cycle de fixation/hydrolyse/détachement de l'ATP fait avancer l'hélicase d'un "pas" le long de l'ADN, comme un piston moléculaire.
Ce mécanisme est remarquablement efficace: une seule molécule d'ATP permet de séparer 1 à 2 paires de bases d'ADN. Les six sous-unités de l'hélicase agissent de manière coordonnée, créant un mouvement rotatif qui rappelle celui d'un moteur à combustion interne, mais avec une précision atomique.
Des études en biophysique montrent que ce système convertit environ 50% de l'énergie chimique en travail mécanique – une efficacité bien supérieure à celle des moteurs macroscopiques. Cette performance explique pourquoi ce mécanisme a été conservé par l'évolution depuis les bactéries jusqu'aux humains.