Des astronomes ont utilisé le Very Large Telescope (VLT) pour détecter pour la première fois dans l'ultraviolet la molécule de monoxyde de carbone dans une galaxie située à près de 11 milliards d'années-lumière, un exploit resté inaccessible depuis 25 ans. Cette détection leur permet d'obtenir la mesure la plus précise de la température cosmique à une époque si reculée.
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L'équipe d'astronomes a braqué le spectrographe UVES du VLT de l'ESO pendant plus de 8 heures vers une galaxie bien cachée dont la lumière a mis près de 11 milliards d'années pour nous parvenir, soit environ 80% de l'âge de l'Univers.
La seule manière dont cette galaxie peut être vue est par l'empreinte de gaz interstellaire laissée sur le spectre d'un quasar encore plus éloigné. "Les quasars des phares dans l'univers lointain. Les nuages de gaz interstellaires dans les galaxies, situés entre les quasars et nous sur une même ligne de vue, absorbent des parties de la lumière émise par les quasars. Le spectre résultant présente donc des 'vallées' sombres que l'on peut attribuer à des éléments bien connus et peut-être des molécules", explique Srianand Raghunathan (Pune, Inde), qui a dirigé l'équipe qui a fait les observations.
Grâce à la puissance du VLT et à une sélection très minutieuse de l'objectif (celui-ci ayant été sélectionné parmi une dizaine de milliers de quasars), l'équipe a pu découvrir la présence de molécules d'hydrogène normale et deutérée (H2 , HD) et de monoxyde de carbone (CO) dans le milieu interstellaire de cette galaxie lointaine. "C'est la première fois que ces trois molécules ont été détectées en absorption devant un quasar, détection restée inaccessible pendant plus d'un quart de siècle", explique Cédric Ledoux (ESO), membre de l'équipe.
La même équipe avait déjà battu le record de la plus lointaine détection d'hydrogène moléculaire dans une galaxie que nous voyons comme elle était lorsque l'Univers avait moins de 1,5 milliards d'années.
Le gaz interstellaire est le réservoir à partir duquel les étoiles se forment et, à ce titre, est un composant important des galaxies. De plus, parce que la formation et l'état des molécules sont très sensibles aux propriétés physiques du gaz, qui, à leur tour, dépendent de la vitesse à laquelle les étoiles se forment, l'étude détaillée de la chimie du milieu interstellaire est un outil fondamental pour comprendre les processus de formation des galaxies.
Sur la base de leurs observations, les astronomes ont montré que les conditions physiques régnant dans le gaz interstellaire dans cette lointaine galaxie sont similaires à ce qui est observé dans notre Galaxie, la Voie lactée.
Mais plus important encore, l'équipe a réussi à mesurer avec la meilleure précision à ce jour la température du rayonnement de fond cosmique dans l'Univers lointain. "Contrairement à d'autres méthodes, la mesure de la température du fond cosmique en utilisant la molécule de CO comporte très peu d'hypothèses," déclare le co-auteur Pasquier Noterdaeme.
Si l'Univers a été formé dans un "Big Bang", comme la plupart des astrophysiciens le suggèrent, la lueur de cette boule de feu primitive aurait dû être plus chaude dans le passé. C'est exactement ce que montrent les nouvelles mesures. "Compte tenu de la température mesurée de 2,725 K, on s'attendait à ce que la température il y a 11 milliards d'années soit d'environ 9,3 K," dit le co-auteur Patrick Petitjean. "Nos observations uniques au VLT nous permettent de déduire une température de 9,15 K, à plus ou moins 0,7 K, en parfait accord avec la théorie."
"Nous pensons que notre analyse est pionnère parmi les études de chimie interstellaire à " haut redshift" et qu'elle démontre qu'il est possible, comme avec la détection d'autres molécules telles que HD ou CH, d'utiliser la chimie interstellaire pour s'attaquer à d'importantes questions cosmologiques", ajoute Srianand.