Le réseau d'excellence européen Cascade (1) est entré dans sa troisième année d'existence. Comptant vingt-quatre équipes de recherche dont une du CNRS, il a pour objectif l'évaluation des effets néfastes sur la santé humaine des contaminants chimiques présents dans l'alimentation.
Têtard transgénique soumis au bisphénol A, substance chimique dangereuse
Pesticides, plastifiants, dioxines... Notre environnement est truffé de produits chimiques indésirables. Certains d'entre eux, présents dans la nourriture et l'eau potable, peuvent même perturber nos systèmes hormonaux en interagissant avec les récepteurs des hormones sexuelles comme les œstrogènes ou la testostérone, ou encore ceux des hormones thyroïdiennes. Il en résulte des dysfonctionnements qui, à terme, pourraient être impliqués dans de nombreuses pathologies telles que l'obésité, les maladies cardiovasculaires, le diabète, la baisse de fertilité, certains cancers... D'où la nécessité d'évaluer avec précision les risques que font courir ces contaminants à notre santé, à plus forte raison depuis l'entrée en vigueur du règlement européen Reach (Registration, Evaluation and Authorisation of Chemicals) sur les produits chimiques en juin 2007.
Doté d'un budget de 14,4 millions d'euros sur cinq ans (février 2004-janvier 2009), Cascade regroupe plus de 250 chercheurs – biologistes moléculaires, toxicologues, endocrinologues, chimistes, nutritionnistes... – issus de neuf pays européens. Leur but: élucider les mécanismes d'action des perturbateurs hormonaux et développer des tests de détection performants.
Parmi ces équipes, celle du laboratoire "Évolution des régulations endocriniennes", dirigée par Barbara Demeneix, a mis au point une méthode originale pour déceler ces produits chimiques. Une technique "vivante", puisqu'elle repose sur l'utilisation d'amphibiens-sentinelles (des têtards de grenouilles Xenopus laevis) génétiquement modifiés en fonction du système hormonal étudié. Par leur cycle de vie aquatique et terrestre, les amphibiens sont en effet particulièrement exposés et fragilisés par les contaminants. Chez ces animaux modifiés, l'activité du produit chimique au niveau d'un récepteur hormonal donné est traduite par la production de protéines fluorescentes.
"Les modifications de l'équilibre hormonal provoquées par la substance recherchée sont révélées par la fluorescence des jeunes amphibiens transgéniques, explique Jean-Baptiste Fini, doctorant au laboratoire, titulaire d'une bourse Cascade. Cette fluorescence est spécifique et mesurable, ce qui confère une grande sensibilité au test. En outre, cette méthode est simple à utiliser, relativement peu coûteuse et rapide (72 heures)." Elle est appliquée dans le contexte de Cascade pour analyser les effets du bisphénol A, un plastifiant, de la vinclozoline, un pesticide, et de la génistéine, un phyto-œstrogène, c'est-à-dire trois des quatre perturbateurs hormonaux choisis par le réseau comme modèles (le dernier est la tétrachlorodibenzo-p-dioxine). "Nous avons été le premier laboratoire européen à développer des outils génétiques permettant de déceler des perturbations des systèmes thyroïdien ou reproducteur et à les intégrer à un modèle vertébré vivant", conclut Jean-Baptiste Fini.
Note: (1) "Chemicals as contaminants in the food chain: a network of excellence for research, risk assessment and education"