Théorie de l'évolution: au-delà du dogme du "tout génétique"

Publié par Michel,
Source: CNRS-INEEAutres langues:
6
Restez toujours informé: suivez-nous sur Google Actualités (icone ☆)

Les approches évolutives actuelles tendent à réduire l'hérédité aux seuls transferts de gènes. Cependant, de plus en plus d'arguments montrent que des informations non codées dans la séquence de l'ADN sont aussi transmises de génération en génération, et que, tout comme l'ADN, elles participent à l'évolution. Dans un article publié dans Nature Reviews Genetics, une équipe internationale à laquelle participent trois chercheurs du Laboratoire évolution et Diversité Biologique (EDB, UMR 5174 CNRS-Université Paul Sabatier-ENFA) appelle à un changement de paradigme et à intégrer l'hérédité non génétique dans la théorie de l'évolution.

La reproduction est le propre du vivant. Elle nécessite la transmission d'informations, génétiques ou non, entre générations. L'évolution n'affecte que la variation transmise. Aujourd'hui, les arguments s'accumulent qui montrent que l'évolution ne se cantonne pas à la seule information génétique, mais touche aussi à la transmission d'informations non contenues dans l'ADN. Celles-ci vont de la transmission de variation dans l'expression des gènes (ce que l'on appelle la variation épigénétique), à l'hérédité écologique et culturelle en passant par les effets parentaux. Il s'agit par exemple, chez l'homme, du savoir transmis socialement sur les risques d'ingestion de tel ou tel champignon.


La présence d'une transmission culturelle des préférences sexuelles est fortement suspectée chez la mouche du vinaigre suite à une expérience publiée en 2009, qui utilisait des mâles poudrés en vert ou en rose, comme sur la photo. Il est apparu qu'après avoir observé trois fois de suite un mâle rose en train de copuler puis un mâle vert se faisant rejeter par une autre femelle, une femelle observatrice apprenait à préférer les mâles roses. L'inverse donnait les mêmes résultats. Cette expérience suggère que l'hérédité culturelle pourrait exister même chez des invertébrés non sociaux
© Simon Blanchet

L'article publié fournit de nombreux autres exemples de ces informations non génétiques, comme la tendance qu'ont les cafards à fuir la lumière, un comportement que l'on pensait entièrement contrôlé par les gènes avant qu'une étude ne montre qu'il est en partie acquis suite à des interactions sociales. Autre exemple: plusieurs travaux suggèrent que la manière de chanter chez certains oiseaux, appelée dialecte et dont on sait qu'elle est souvent transmise indépendamment de la variation génétique, peut conduire à l'isolement de groupes d'individus et à la spéciation, c'est-à-dire à l'apparition d'une nouvelle espèce.

C'est donc la complexité des interactions entre les divers systèmes d'hérédité, génétiques ou non, qui crée la richesse des processus évolutifs et produit la diversité biologique. L'étude propose donc de faire entrer l'hérédité non génétique dans les approches écologiques et évolutives et d'élargir ainsi le champ de la théorie synthétique de l'évolution qui a été formulée dans les années 1930 et 1940 lorsque la génétique a été intégrée dans la théorie darwinienne. On peut en quelque sorte considérer que cette vision centrée sur l'ADN est à la théorie de l'évolution ce que la mécanique newtonienne était à la théorie de la gravitation. Aller au-delà du dogme du "tout génétique" en prenant en compte toutes les formes d'hérédité pourrait conduire à une compréhension plus profonde des sciences de l'évolution et de la biodiversité, tout comme Albert Einstein, avec sa théorie de la relativité, avait bouleversé toute l'astrophysique.
Page générée en 0.190 seconde(s) - site hébergé chez Contabo
Ce site fait l'objet d'une déclaration à la CNIL sous le numéro de dossier 1037632
A propos - Informations légales
Version anglaise | Version allemande | Version espagnole | Version portugaise