Une équipe de chercheurs de l'Institut de recherche en Communications et Cybernétique de Nantes (IRCCyN, CNRS/École Centrale de Nantes/École des Mines de Nantes/ Université de Nantes) et du Laboratoire de physique subatomique et des technologies associées (SUBATECH, CNRS/École des Mines de Nantes/Université de Nantes) a reçu le Prix La Recherche 2014 catégorie Technologie pour avoir conçu un système de navigation bio-inspiré. Leur principe ? Reproduire le "sens électrique" de certains poissons pour permettre à des robots sous-marins de naviguer facilement, même en eaux troubles et en milieu encombré.
Champ électrique émis par un poisson Gnathonemus petersii
Certaines espèces de poissons à travers le monde utilisent le "sens électrique" quand ils sont dans un environnement très encombré avec beaucoup de particules, où la vision ne suffit plus pour s'orienter et repérer les obstacles. Différent du sonar qui émet une onde sonore et en analyse son temps de trajet, l'électrolocalisation de ces poissons est permise par des capteurs disséminées sur leur peau qui mesurent le champ électrique émis par le poisson. Ce champ électrique, existant tout autour du poisson, est déformé si le poisson est à proximité d'objets conducteurs (qui amplifient le champ émis) ou isolants (qui amoindrissent le champ émis). Le poisson est donc alerté des obstacles autour de lui dans un périmètre assez restreint, grâce à ce sens complémentaire, entre la vision et le toucher. Il peut ainsi se diriger vers l'objet détecté en suivant facilement une ligne de champ, sorte de ligne directrice qui l'amène à l'objet. Les propriétés de ces poissons sont connues des biologistes depuis 1950, mais c'est seulement depuis les années 2000 qu'une transposition technologie a été envisagée.
Déplacement d'un robot du point A vers l'objet rouge
Pour reproduire ce sens original sur des robots sous-marins, plusieurs problématiques se sont posées au sein du projet européen Angels. Au niveau de la réalisation, le travail sur les capteurs s'est fait avec SUBATECH, car les mesures du faible courant émis par le robot se devaient d'être très précises pour permettre la détection de l'environnement. Par ailleurs, la modélisation du sens électrique de ces poissons a permis de mieux en comprendre le fonctionnement, et d'en extraire une loi de commande très simple répondant à une problématique répandue: comment faire naviguer un robot dans un environnement trouble et encombré ? La détection d'un objet dans le champ électrique permet au robot de suivre "simplement" la ligne de champ qui l'amène à cet objet, ou de s'en éloigner. Ce déplacement demande peu de calcul, puisqu'il suffit au robot de vérifier les mesures de ses capteurs entre sa droite et sa gauche pour s'orienter, puis de vérifier si le courant devient plus ou moins fort en fonction de la direction de son déplacement, sur le principe enfantin de "tu chauffes ou tu refroidis". Cette économie de calcul est notable, pour la facilité d'implémentation dans les systèmes.
Robots sous marins Angels équipés du sens électrique pour naviguer
La récompense du Prix La Recherche pour la publication Underwater Reflex Navigation in Confined Environment Based on Electric Sense de Frédéric Boyer, Vincent Lebastard et Christine Chevallereau de l'Institut de recherche en Communications et Cybernétique de Nantes (IRCCyN, CNRS/École Centrale de Nantes/École des Mines de Nantes/ Université de Nantes) et Noël Servagent du Laboratoire de physique subatomique et des technologies associées (SUBATECH, CNRS/ École des Mines de Nantes/ Université de Nantes) recouvre l'ensemble de cette démarche. En effet, cette robotique bio-inspirée permet une utilisation efficace et simple pour la navigation. L'avancée de ces chercheurs devrait permettre de résoudre le problème courant des robots sous-marins qui peinent à revenir à bon port. La mise en place d'un corps métallique important à l'endroit où les robots doivent revenir se recharger ou se garer permettrait de simplifier cette opération. L'application de détection d'objets dans des eaux troubles s'appliquerait aussi parfaitement dans la recherche d'objets archéologiques sur des épaves. Enfin, après avoir étendu le fonctionnement de leur système à l'eau salée, les chercheurs affinent leur modèle à l'utilisation dans des boues, et souhaitent élargir leur projet à l'utilisation dans l'air.