Vous êtes assis au restaurant avec des amis (scénario post-confinement). Vous commandez une bouteille de vin pour bien commencer la soirée. L'une de vos amies refuse le verre de vin. Vous lui demandez pourquoi elle n'en veut pas. Elle vous répond qu'elle prévoit être bientôt enceinte et qu'une étude récente a démontré que la consommation d'alcool avant la
grossesse mènerait à un développement anormal du foetus.
Des chercheurs de l'Institut National de la Santé en Corée ont démontré que la consommation d'alcool, deux semaines avant la conception, causerait la
macrosomie foetale (
1). Cette condition où le foetus est plus large que la
moyenne peut provoquer des complications importantes lors de l'accouchement (
2).
À partir d'expériences faites sur des souris, les chercheurs de l'étude ont établi que la macrosomie observée sur le foetus s'expliquerait par un dérèglement du métabolisme des glucides de la mère. Comme dans les cas de
diabète de grossesse, la consommation d'alcool avant la conception augmenterait le taux de
glucose dans le sang maternel et diminuerait son élimination par l'
insuline. Cet
environnement hautement concentré en
sucre mènerait le foetus à être en
surpoids.
Et l'homme là-dedans ?
"Une consommation paternelle d'alcool [avant la fécondation] peut aussi influencer le développement de l'embryon" explique le professeur Serge McGraw, un spécialiste en
biologie du développement embryonnaire du CHU de Sainte-Justine. Contrairement à ce qui est pensé, le développement du foetus ne dépendrait pas seulement des habitudes de vie de la mère, mais aussi de celles du père. La consommation d'alcool diminuerait la qualité des spermatozoïdes. En effet, ils auraient une morphologie anormale et ils seraient moins mobiles. Cette diminution de la qualité des spermatozoïdes affecterait l'
implantation et le développement de l'embryon (
3).
Pourquoi étudier les effets de l'alcool avant la grossesse ?
Ce n'est pas surprenant qu'on commence à étudier les effets de la consommation d'alcool avant même la grossesse estime M. McGraw. "Comme près de 40% des grossesses ne sont pas planifiées et que la consommation d'alcool par les femmes est en hausse, le
syndrome d'alcoolémie foetale est plus rependu que ce que l'on croit", dit-il. Une meilleure compréhension des impacts de l'alcool permettrait donc de sensibiliser de façon plus adéquate les
futurs parents pour qu'ils puissent prendre des décisions éclairées et basées sur des informations scientifiques fiables.
Les recherches faites sur la consommation d'alcool avant la grossesse permettraient aussi de lever le voile sur les débats qui subsistent. Certaines écoles de pensées croient que de petites doses d'alcool n'ont pas d'effet sur le foetus. "Il n'y a aucune dose qui est considérée comme sécuritaire. Le
Gouvernement du Canada recommande de ne pas consommer d'alcool si on est enceinte ou qu'on songe à le devenir. Ce n'est pas parce qu'on ne voit pas d'effet immédiat sur le foetus qu'il n'y en aura pas à long terme" explique Serge McGraw. Il précise qu'on ne connaît pas tous les effets de l'alcool et qu'on ne connaît pas tous les facteurs qui peuvent empirer ses effets sur le développement foetal.