Cellules: une nanoporte s'ouvre

Publié par Adrien,
Source: Jean Hamann - Université LavalAutres langues:
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La fabrication de canaux ioniques sur mesure pave la voie à des dispositifs nanoscopiques ultrasensibles, destinés au diagnostic in vivo et in vitro en temps réel.


Les ions sodium (Na+) traversent la membrane lipidique (en bleu) en empruntant les canaux ioniques fabriqués par les chercheurs. Ces canaux sont formés d'un peptide hélicoïdal (la spirale orange) dans lequel sont intercalés des sites relais pour le sodium (en forme de couronne). Les chercheurs ont établi la distance maximale que peuvent parcourir les ions sodium en faisant varier la distance entre ces sites relais.
Photo: Raphaëlle Théorêt

Onze angströms ou 10 000 fois moins que l'épaisseur d'une feuille de papier. Voilà la distance maximale que peut parcourir un ion sodium dans une membrane lipidique semblable aux membranes cellulaires, rapportent François Otis, Charles Racine-Berthiaume et Normand Voyer, du Département de chimie, dans l'édition en ligne du Journal of the American Chemical Society. En soi, cette découverte très fondamentale semble à mille lieues de toute application qui pourrait intéresser le commun des mortels. Pourtant, les méthodes qui ont permis aux trois chercheurs de chiffrer le voyage transmembranaire de l'ion sodium pourraient conduire à la mise au point d'instruments nanoscopiques permettant de détecter, en temps réel et avec une sensibilité inégalée, non seulement la présence de sodium, de lithium, de potassium et de césium, mais aussi de virus, soutient Normand Voyer.

Le transport transmembranaire d'ions est indispensable au bon déroulement de plusieurs mécanismes cellulaires. Pour franchir la membrane imperméable qui entoure les cellules, les ions utilisent notamment la voie des canaux ioniques. Ces canaux participent à plusieurs mécanismes physiologiques essentiels, notamment l'initiation et la propagation de l'influx nerveux, les contractions musculaires et la sensibilité aux hormones et aux neurotransmetteurs. De nombreux canaux ioniques sont formés par l'organisation spatiale de protéines hélicoïdales insérées dans la double couche de lipides qui forme l'essentiel des membranes. "Dans les canaux ioniques, le mouvement des ions se fait par diffusion selon un gradient électrochimique, rappelle le professeur Voyer. Des "sites relais" se retrouvent à différents points des protéines et les ions se déplacent en sautant de l'un à l'autre. Règle générale, chaque canal ionique est très sélectif, ne laissant passer qu'un type d'ions."

Des processus biologiques vitaux


Même si les canaux ioniques font l'objet d'étude depuis deux décennies, beaucoup d'inconnu subsiste à leur sujet, notamment la distance maximale qu'un ion peut parcourir entre deux relais. Pour répondre à cette question, les trois chercheurs ont construit, de toutes pièces, une famille de canaux ioniques. Ils ont d'abord synthétisé un peptide hélicoïdal de 21 acides aminés dans lequel ils ont intercalé, à des distances variant de 6 à 28 angströms, des relais pour l'ion sodium. Ils ont ensuite intégré ces canaux ioniques dans des vésicules formées d'une membrane lipidique et ils ont mesuré l'efficacité avec laquelle les différentes variantes du peptide transportaient le sodium à l'intérieur du système. Leurs résultats montrent qu'au-delà de 11 angströms, l'efficacité de transport du sodium chute radicalement. "C'est la première fois qu'une étude établit avec certitude et précision cette valeur qui revêt une grande importance pour la compréhension de plusieurs processus biologiques vitaux", souligne le professeur Voyer.

Selon le chercheur, la possibilité de fabriquer des canaux ioniques sur mesure ouvre la voie à des applications plus qu'intéressantes dans le domaine des dispositifs nanoscopiques destinés au diagnostic in vivo et in vitro en temps réel. "En utilisant les mêmes approches, nous pouvons fabriquer des canaux ioniques dont le diamètre assure une sélectivité pour un ion donné. Implanté dans une nanoélectrode, ce dispositif aurait une sensibilité inégalée parce qu'il permettrait de mesurer la conductivité de très petites quantités de canaux, possiblement d'une seule molécule "canal". Ce faisant, la sensibilité serait accrue par rapport aux électrodes actuelles beaucoup plus grosses et moins sélectives."

Le professeur Voyer envisage déjà la mise au point d'une deuxième génération de canaux ioniques au bout desquels serait attachée une biomolécule pour laquelle les virus ont une affinité. "Si un échantillon sanguin d'un patient contient le virus en question, la présence d'une seule particule virale à l'entrée du canal ionique suffirait à en modifier la conductivité, ce qui confirmerait ainsi la présence du virus en question. En plus d'avoir une sensibilité incomparable, ce diagnostic serait posé en temps réel, directement aux côtés du patient."
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