La chimie révèle les secrets des éruptions volcaniques du passé

Publié par Michel,
Source: CNRS
Illustration: Wikipedia et CNRS © Joël SavarinoAutres langues:
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Une équipe de scientifiques français et américains a développé une méthode pour déterminer l'influence des éruptions volcaniques du passé sur le climat et la chimie de la haute atmosphère, réduisant ainsi de manière significative une incertitude dans les modèles des changements climatiques du futur.


L'éruption du Pinatubo en 1991

Lors d'éruptions majeures, le soufre contenu dans le magma est projeté dans la stratosphère (1) où il se transforme en un nuage d'acide sulfurique. Ce nuage réduit l'ensoleillement reçu au sol, contribuant ainsi à une chute significative des températures. En revanche, les éruptions de moindre importance dites "troposphériques", n'ont pas l'énergie suffisante pour atteindre la haute atmosphère et leurs effets climatiques sont insignifiants. Jusqu'à présent, les scientifiques ne disposaient pas de données fiables pour mesurer ou déterminer l'impact du type de volcanisme sur l'évolution du climat.

Des chercheurs du laboratoire de glaciologie et géophysique de l'environnement (LGGE) (CNRS/Université Joseph Fourier, Grenoble), en collaboration avec l'équipe de Mark Thiemens (University of California, San Diego) sont arrivés à différencier ces deux types de volcanisme en étudiant les différentes formes du soufre ou sa composition en isotopes stables (2). Cette découverte, publiée le 5 janvier 2007 dans Science permettra de reconstituer avec une plus grande certitude l'impact du volcanisme sur le climat des derniers millénaires et offre un paramètre jusqu'ici manquant pour tenter de reconstruire l'histoire mouvementée du volcanisme.

A l'exception de quelques explosions volcaniques récentes comme celles du Pinatubo aux Philippines en 1991 ou du Mont Agung en Indonésie en 1963, dont les observations directes ont permis de quantifier avec précision la chute de la température moyenne mondiale, l'impact du volcanisme ancien sur les fluctuations naturelles du climat reste encore mal connu. Si les enregistrements glaciologiques de l'Antarctique et du Groenland possèdent bien la précision temporelle et la sensibilité requise pour dévoiler une histoire du volcanisme terrestre depuis 100 000 ans, ils ne permettent pas de déterminer avec certitude la nature stratosphérique ou non d'une éruption, rendant hasardeuse toute tentative de quantification de l'impact climatique du volcanisme.

Les chercheurs ont effectué plusieurs prélèvements de neige de surface et de glace en Antarctique, en décembre 2003 et janvier 2004. D'abord à la base américaine du Pôle Sud puis du Dôme Concordia. Les retombées volcaniques des deux éruptions les plus violentes du 20ème siècle, l'éruption du Mont Agung et du Mont Pinatubo, ont été extraites de la neige du Dôme C où elles sont particulièrement bien conservées. La présence d'un évènement volcanique dans la neige se présente sous la forme d'une augmentation significative de la concentration en acide sulfurique, résultat de l'oxydation du dioxyde de soufre initialement émis lors de l'explosion du volcan. En revanche, l'accroissement de la concentration n'indique en rien l'importance de l'éruption puisqu'une faible explosion mais proche de l'Antarctique peut laisser une empreinte plus forte qu'une éruption massive se trouvant à plusieurs dizaines de milliers de kilomètres de là, pourtant bien plus puissante. Or du point de vue climatique, seules les éruptions massives ont un impact sur la variabilité naturelle du climat, et ce sont elles naturellement que les climatologues recherchent dans les carottes de glace.


Extraction de carotte de neige sur le site
de Dôme Concordia en Antarctique

En analysant la composition isotopique en soufre (ou acide sulfurique) du Pinatubo et du Mont Agung, deux éruptions stratosphériques bien connues grâce à l'instrumentation scientifique moderne, les chercheurs ont découvert que le soufre exposé aux UV dans la haute atmosphère possède une composition isotopique unique, bien différente de celle produite par le volcanisme troposphérique. En analysant cette composition isotopique, les scientifiques peuvent désormais déterminer si elle est d'origine stratosphérique et en déduire l'éventuel impact climatique en découlant. Il devient ainsi possible de déterminer la portée climatique d'une éruption à partir uniquement des enregistrements glaciaires et donc d'étendre cette étude à des périodes passées pour lesquelles aucune information précise sur les volcans n'est disponible.

Ces travaux ont bénéficié du soutien financier d'un programme PICS du CNRS, de la région Rhône-Alpes (Eurodoc), de l'European Science Foundation (progamme EuroCLIMATE) et de la National Science Foundation (NSF). L'Institut Polaire Français Paul-Emile Victor (IPEV) et la National Science Foundation ont apporté leur soutien pour la logistique de terrain.


Notes:
(1) Haute atmosphère dont l'altitude est supérieure à environ 17 km.
(2) La composition isotopique stable en soufre détermine la concentration relative des différents isotopes stables du soufre contenu dans la matière. Les isotopes stables sont des noyaux atomiques qui possèdent un nombre de protons identique, conférant à cette matière les mêmes propriétés chimiques, mais un nombre de neutrons différents. La répartition des isotopes stables dans la matière est régie par les lois de la physique. Elle sert d'identification de la matière.


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