Le cocon du Cygne, étape dans le voyage des rayons cosmiques

Publié par Michel,
Source: CNRSAutres langues:
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En observant des étoiles massives de la région Cygnus X de la Voie Lactée, le télescope LAT (Large Area Telescope) de l'observatoire gamma spatial Fermi a capturé l'émission gamma de jeunes rayons cosmiques. Leur localisation précise dans un "cocon" est un pas supplémentaire pour comprendre l'origine des particules les plus énergétiques de l'Univers. Les chercheurs du Laboratoire Astrophysique, Interactions, Multi-échelles AIM (CEA-Irfu/CNRS/Université Paris Diderot), de l'INFN (Padoue, Italie), et de la Collaboration Fermi LAT présentent ces travaux dans la revue Science du 25 novembre.

Contrairement à l'image suggérée par leur nom, les rayons cosmiques ne sont pas de la lumière, mais des particules qui voyagent dans la Voie Lactée à des vitesses proches de celle de la lumière. Il s'agit essentiellement de protons et d'autres noyaux atomiques mélangés avec quelques électrons et positons. Certains arrivent dans le système solaire et bombardent l'atmosphère terrestre. Depuis leur découverte en 1912, leur origine est mystérieuse. Les astronomes pensent qu'ils sont accélérés par les ondes de choc des explosions d'étoiles (supernovae). La façon dont ces particules s'échappent de l'onde de choc, leur cheminement aléatoire dans le milieu interstellaire, puis leur dispersion loin de leur lieu de naissance restent également mal connus.


Les rayons gamma détectés par le télescope LAT de Fermi (image de gauche) sont émis par des rayons cosmiques fraîchement accélérés, localisés dans des "bulles" de gaz brûlant creusées par l'activité des étoiles massives de Cygnus X (image de droite en infrarouge prise par le télescope MSX). L'intense lumière ultra-violette des étoiles les plus massives (points blancs) chauffe les minuscules grains de poussière mélangés au gaz au bord des bulles et les fait briller en infrarouge. Ces bulles forment un cocon pour les jeunes rayons cosmiques. Le cercle vert marque la position du reste de la supernova ? Cygni qui a explosé il y a environ 7000 ans.
© NASA/DOE/Fermi LAT/I. Grenier/L. Tibaldo

Le rayonnement gamma est caractéristique de l'interaction de ces particules de haute énergie avec la matière et la lumière de la galaxie: en le détectant, le télescope Fermi/LAT permet de suivre ces particules lors de leur voyage interstellaire et plus généralement d'accéder à ces phénomènes extrêmes de l'Univers.

"Superposées au fond diffus de la Galaxie, les observations de Fermi montrent un excès de rayons gamma dans l'environnement bouillonnant de milliers d'étoiles massives dans la région de Cygnus X, à 4 500 années-lumière de nous dans la Voie Lactée Nous voyons des rayons cosmiques ayant des énergies de milliers de milliards d'électrons-volts (1), aussi fortes que dans les plus puissants accélérateurs de particules sur Terre. Ils viennent juste de commencer leur voyage galactique, s'éloignent de leurs sources en zigzagant et émettent des rayons gamma en traversant les nébuleuses environnantes", constate Luigi Tibaldo, physicien expérimentateur de l'Université de Padoue et de l'INFN.


L'environnement tumultueux de Cygnus X vu en radio et infrarouge: on observe les ondes de choc de deux anciennes explosions de supernovae (sphères brunes, celle du haut étant ? Cygni), des globules de gaz chaud et ionisé enveloppant des étoiles massives (globules blancs), des voiles de gaz soufflé (bleus-verts) et leur compression en nuages (blancs). L'émission gamma observée par le télescope Fermi/LAT (dans le contour bleu) signale la présence de jeunes rayons cosmiques.
© Jayanne English (CGPS/U. Manitoba) - A. R. Taylor (CGPS/U. Calgary)

Ce processus a lieu dans un environnement turbulent. L'intense lumière ultra-violette des étoiles massives ionise le gaz environnant et le chauffe jusqu'à des températures de plusieurs milliers de degrés ; des vents puissants soufflent ce gaz, formant des sortes de "bulles géantes" de gaz chaud. "Dans Cygnus X, ces bulles ont été formées par des étoiles massives âgées de seulement 5 millions d'années. Elles forment une sorte de cocon, sillonné par des ondes de choc se déplaçant en tous sens. Le gaz et le champ magnétique y sont brassés de telle manière que les rayons cosmiques, tout juste éjectés de leurs accélérateurs, y restent piégés avant de s'échapper dans des régions interstellaires plus calmes qu'ils peuvent traverser plus librement. Le cocon agit comme un sas entre les sources et le milieu extérieur" explique Isabelle Grenier, astrophysicienne à l'Université Paris Diderot et au CEA de Saclay. "Il reste à comprendre si les particules perdent ou gagnent de l'énergie dans le cocon, mais l'existence de ce cocon montre que l'histoire des rayons cosmiques est plus complexe qu'une simple marche au hasard hors de leur source" selon Luigi Tibaldo.

Soit ces particules conservent leur énergie, voire la renforcent, et alors ce que les chercheurs ont dénommé un cocon participe à l'accélération des rayons cosmiques. Soit les particules y perdent une part notable de leur énergie, et alors leur sortie du cocon sous forme de rayons cosmiques "de basse énergie" amène à considérer d'un nouvel œil le cycle de la matière dans les galaxies. En effet, les astrophysiciens considèrent ces rayons cosmiques de basse énergie comme la cause du chauffage et de l'enrichissement chimique des nuages les plus denses, là où se forment les étoiles et les planètes.

Les chercheurs misent désormais sur l'observation d'une poignée d'amas exceptionnels de la Voie lactée et des galaxies voisines, potentiellement riches en sources de rayons cosmiques, pour approfondir la genèse des rayons cosmiques et leurs premiers pas dans le milieu interstellaire et pour mieux cerner ce qui se passe dans les galaxies effervescentes du début de l'Univers.

Note:

(1) Un électron-volt est une unité d'énergie souvent utilisée en physique des particules et en chimie. Elle est définie comme la quantité d'énergie gagnée par un électron accéléré dans un potentiel électrique d'un volt. Un millier de milliards d'électrons-volt est équivalent à 10 % de l'énergie d'un moustique en vol. Cela semble faible, mais les rayons cosmiques détectés par le satellite Fermi sont des particules individuelles et non les milliards d'atomes formant un moustique !


Référence:

"A Cocoon of Freshly Accelerated Cosmic Rays Detected by Fermi in the Cygnus Superbubble"
Science 25 November 2011: Vol. 334 no. 6059 pp. 1103-1107
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