Décollage imminent pour les fibres optiques, ces "tuyaux" dans lesquels les informations circulent sous forme de signaux lumineux: des chercheurs de l'IEMN (1), à Villeneuve d'Ascq, viennent de lever le dernier obstacle avant leur embarquement à bord de satellites ou d'avions, en lieu et place des câbles habituels, beaucoup moins performants.
Jusqu'ici, les variations de température, qui peuvent atteindre 60 degrés entre ici-bas et les cieux glaciaux, leur faisaient perdre leurs propriétés, et les signaux transmis étaient altérés. Ce n'est plus le cas avec les nouvelles fibres à "cristaux photoniques", introduites par l'IEMN pour conduire de manière très fiable des signaux d'une fréquence de 10 gigahertz (hyperfréquences), l'équivalent de 1 000 millions d'informations par seconde !
En collaboration avec le Phlam (2) au sein de l'Ircica (3), les chercheurs ont tout d'abord réfléchi au fait que cette frilosité handicapante était due à la gaine de verre de la fibre. Une idée s'est alors imposée: "La matière est sensible à la température ? Enlevons-la !", résume Didier Decoster, responsable du groupe d'optoélectronique de l'IEMN. Ils imaginent donc un "gruyère" de silice, une fibre épaisse comme un cheveu, percée d'un grand nombre de trous disposés en réseaux géométriques. Un agencement qui met à profit les lois de la cristallographie et réduit certains inconvénients des fibres optiques classiques. Grâce au savoir-faire et au matériel high-tech du Phlam, les scientifiques ont ainsi obtenu des fibres insensibles aux changements de températures. "À titre de comparaison, la précision en fréquence obtenue avec ce procédé est équivalente à celle d'une horloge qui se tromperait d'une seconde au bout de cent ans."
Une juste récompense: les chercheurs travaillent depuis plus de dix ans – avec l'Agence spatiale européenne (Esa) puis Thales Systèmes aéroportés – sur les systèmes de communication à base de fibres optiques. Celles-ci sont en effet les meilleures élèves pour le traitement de signaux hyperfréquences: elles sont peu encombrantes, insensibles aux parasites électromagnétiques de la guerre électronique entre militaires et surtout, très légères. Une longueur de 10 kilomètres pèse seulement 50 kilogrammes, au lieu d'une tonne pour des câbles micro-ondes. Un gain de poids qui vaut son pesant d'or: actuellement, la mise en orbite d'un seul gramme d'équipement sur satellite coûte quand même la bagatelle de 10 euros.
Notes: (1) Institut d'électronique, de microélectronique et de nanotechnologie (CNRS / Université Lille-I / Université Valenciennes / Isen recherche). (2) Laboratoire de physique des lasers, atomes et molécules (CNRS / Université Lille-I). (3) L'Institut de recherche en composants matériels et logiciels pour l'information et la communication avancées est un groupement d'intérêt scientifique (GIS).