Une découverte paléontologique exceptionnelle met en lumière le destin tragique de deux bébés ptérosaures, victimes d'une tempête tropicale dévastatrice il y a 150 millions d'années. Ces fossiles, remarquablement préservés, offrent un aperçu unique des conditions extrêmes qui régnaient durant le Jurassique.
Les chercheurs ont réalisé une nécropsie, c'est-à-dire une autopsie animale, sur ces squelettes de ptérosaures juvéniles provenant d'Allemagne. Leurs analyses indiquent que des vents violents ont projeté ces créatures dans une lagune, où elles se sont noyées sous les vagues tumultueuses. Les ptérosaures, souvent appelés familièrement "ptérodactyles", dominaient les cieux à l'époque des dinosaures. Les spécimens étudiés appartiennent à l'espècePterodactylus antiquus, la première jamais découverte, ce qui a popularisé leur surnom.
Fossiles de deux bébés Pterodactylus morts lors d'une violente tempête. Crédit: Artwork by Rudolf Hima
Ces nouveau-nés sont parmi les plus petits spécimens de P. antiquus jamais trouvés, avec une envergure d'environ 20 centimètres, comparable à celle d'une petite chauve-souris. L'étude, publiée dans Current Biology, suggère qu'ils faisaient partie de nombreux jeunes ptérosaures tués lors d'événements de mortalité massive liés aux fortes tempêtes dans la région, telles que des ouragans. Les adultes, avec une envergure d'environ 1,1 mètre, avaient probablement une meilleure capacité à résister aux vents qui ont condamné les plus jeunes.
Surnommés "Lucky" et "Lucky II", ces fossiles doivent leur préservation exceptionnelle à leur enfouissement rapide dans les sédiments de la lagune. Les squelettes de ptérosaures, légers et fragiles avec des os creux et à parois minces, sont rarement fossilisés intactes. La formation calcaire de Solnhofen en Bavière, datant d'environ 150 millions d'années, était autrefois un paysage marin semi-tropical avec des récifs coralliens et des îles, offrant des conditions idéales pour la fossilisation.
L'équipe de recherche, dirigée par Rab Smyth de l'Université de Leicester, a utilisé une lampe UV fluorescente pour examiner les fractures sur les ailes de Lucky II, indiquant une force excessive due au vent avant la mort. Ces blessures sont similaires à celles observées chez les oiseaux et les chauves-souris lors de tempêtes modernes. Les scientifiques estiment que de puissantes rafales ont arraché les jeunes ptérosaures de leurs habitats insulaires et les ont entraînés dans la lagune, où les courants les ont rapidement enfouis.
Diagramme illustrant comment les tempêtes ont conduit à la préservation remarquable des fossiles de jeunes ptérosaures. Crédit: University of Leicester
Cette étude remet en question l'idée longtemps admise que les écosystèmes lagunaires de Solnhofen étaient dominés par de petits ptérosaures. En réalité, la prévalence des juvéniles dans les fossiles résulte de biais de préservation: les tempêtes catastrophiques affectaient disproportionnellement les individus jeunes et inexpérimentés, tandis que les adultes, plus robustes, survivaient mieux.
Les événements de mortalité massive
Les événements de mortalité massive se produisent lorsqu'un grand nombre d'individus d'une espèce meurent simultanément, souvent à cause de catastrophes naturelles comme des tempêtes, des éruptions volcaniques ou des changements climatiques abrupts. Dans le cas des ptérosaures du Jurassique, les tempêtes tropicales étaient probablement un facteur clé.
Ces phénomènes peuvent biaiser les archives fossiles en surreprésentant certains groupes d'âge ou espèces. Par exemple, les jeunes animaux, moins résistants, sont plus susceptibles de périr lors de tels événements, ce qui explique la prédominance de fossiles juvéniles dans des sites comme Solnhofen.
L'étude de ces événements aide les paléontologues à comprendre la dynamique des populations anciennes et les pressions environnementales. En comparant avec des occurrences modernes, comme les mortalités d'oiseaux lors d'ouragans, les chercheurs peuvent inférer les conditions passées.