De l'eau à la surface de la Lune !

Publié par Michel le 26/09/2009 à 00:00
Source: CNRS/INSU
Illustrations: © Université du Maryland/F.Merlin/McREL
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Une équipe franco-américaine (1), à laquelle appartient Olivier Groussin, astronome au Laboratoire d'Astrophysique de Marseille (LAM: INSU-CNRS, Université de Provence, Observatoire Astronomique de Marseille Provence), a mis en évidence pour la première fois de façon non-ambigüe la présence d'eau à la surface de la Lune. L'eau est présente sur quasiment toute la surface de la Lune, en faible quantité. Cette découverte majeure bouleverse les scénari de formation de la Lune et ouvre de nouvelles perspectives scientifiques et techniques pour l'exploration du système solaire. Ce résultat est publié dans la revue Science du 25/09/2009.


Illustration du vent solaire transportant les ions hydrogène H+.
Un des scénarios possible pour expliquer l'hydratation de la surface de la Lune est que,
durant la journée, quand la Lune est exposée au vent solaire, les ions hydrogène libèrent
l'oxygène contenu dans les minéraux lunaires pour former des molécules OH et H2O (eau).
A haute température (zones rouges/jaunes), plus de molécules OH et H2O sont libérées
que retenues en surface. En revanche, lorsque la température diminue (zones vertes/bleues),
les molécules OH et H2O s'accumulent en surface.

La Lune, satellite naturel de la Terre, a très probablement eu une naissance violente lors d'un impact géant entre la Terre et un corps de la taille de Mars. Suivant ce scénario, la chaleur dégagée par l'impact aurait évaporé la quasi-totalité des matériaux volatils de la Lune, dont l'eau. Les échantillons lunaires ramenés par les missions Apollo (NASA) dans les années 60 et 70 ont semblé confirmer cette hypothèse puisque leur étude n'a pas montré la présence d'eau. La Lune est donc considérée comme sèche, sans eau, contrairement à la Terre.

La quête de l'eau sur la Lune ne s'est toutefois jamais arrêtée depuis les années 60. Dans les années 90, grâce à la sonde Clémentine (NASA/SDIO), les scientifiques pensaient avoir découvert de la glace d'eau au fond de certains cratères, situés dans les régions polaires et jamais exposés au Soleil ; cette découverte n'a cependant jamais été confirmée. En 2008, une équipe scientifique américaine de l'Université de Brown (Rhode Island) a ré-analysé les échantillons des missions Apollo et, grâce à des instruments d'analyse plus performants, a finalement détecté de l'eau dans certaines roches lunaires, en quantité infime (quelques centaines de particules par million). Mais toujours aucune trace d'eau en surface!

En juin 2009, la sonde spatiale EPOXI (2) de la NASA est passée à "seulement" 6 millions de kilomètres de la Lune. Grâce à son spectromètre infrarouge proche, la sonde a pu observer la surface lunaire dans le domaine des longueurs d'onde infrarouge, en particulier autour de 3 microns où l'on peut détecter des bandes d'absorption caractéristiques de la molécule d'eau. Ces observations ont permis de mettre en évidence pour la première fois de l'eau à la surface de la Lune, de façon non-ambigüe. Une telle découverte est impossible à réaliser depuis la Terre puisque l'atmosphère terrestre, elle-même remplie d'eau, est opaque autour de 3 microns.

"Grâce aux observations de la sonde spatiale NASA/EPOXI, nous avons pu démontrer que l'eau est présente en faible quantité sur presque toute la surface de la Lune, à toutes les latitudes supérieures à 10 degrés" déclare Olivier Groussin, astronome au Laboratoire d'Astrophysique de Marseille (INSU-CNRS, OAMP) et collaborateur scientifique à la mission NASA/EPOXI. La quantité moyenne d'eau à la surface de la Lune serait inférieure à 0,5% de la masse des matériaux de surface. Les scientifiques ont aussi découvert qu'au cours d'une journée "lunaire", plus le Soleil est haut dans le ciel, moins il y a d'eau à la surface de la Lune. Il y a donc des variations au cours des journées lunaires, avec moins d'eau en surface lorsqu'il est midi que le matin ou le soir, lorsque le Soleil est bas sur l'horizon. De même, il y moins d'eau à la surface de la Lune près de l'équateur, que près des pôles aux latitudes élevées.

"L'eau détectée à la surface de la Lune est de l'eau adsorbée (avec un d)", précise Olivier Groussin. L'adsorption physique est un phénomène spontané par lequel les molécules d'eau se fixent faiblement à la surface des particules de poussière lunaire. Ces molécules d'eau adsorbées peuvent donc facilement être arrachées des poussières de surface sur lesquelles elles se trouvent, par une simple élévation de la température par exemple. Ce sont donc des molécules très "mobiles", et leur concentration en surface peut varier au cours d'un jour lunaire. Le mécanisme responsable de ces variations n'est aujourd'hui pas bien compris mais pourrait être lié au vent solaire.


Illustration du cycle diurne d'hydratation et de déshydratation de la surface lunaire.
Le matin, lorsque la Lune est froide, la surface contient des molécules d'eau adsorbées
(en rouge et blanc sur la figure). A midi, lorsque la Lune est plus chaude, ces molécules d'eau
sont libérées et perdues. Le soir, la Lune se refroidit et retourne à un état identique à celui du matin.
Donc, quel que soit le type de terrain et sa localisation, la surface entière de la Lune est hydratée
pendant une partie d'un jour lunaire.

Cette découverte d'eau à la surface de la Lune est confirmée par deux autres instruments ayant effectué des observations similaires de la Lune mais à des instants différents: l'instrument M3 de la mission Indienne Chandrayaan 1 et l'instrument VIMS (3) de la mission Huygens-Cassini (ESA/NASA).

La découverte d'eau à la surface de la Lune ouvre de nouvelles perspectives scientifiques et techniques pour l'exploration du système solaire. Scientifiquement, cela nous oblige à revoir les modèles de formation et d'évolution thermique et chimique de la Lune, en incorporant la présence d'eau. Plus généralement, l'eau semble être présente dans tout le système solaire, depuis les régions glacées au-delà de Neptune jusqu'au plus près du Soleil, avec certains astéroïdes et maintenant la Lune. "Nous trouvons de l'eau dans tout le système solaire, même là où nous ne l'attendions pas il y a encore quelques années !", déclare Olivier Groussin. Techniquement, cette découverte est aussi primordiale puisque l'eau est une ressource vitale pour l'homme. La présence de molécules d'eau à la surface de la Lune, même en faible quantité, renforce donc son rôle potentiel de base de départ pour les futurs vols habités, vers Mars notamment.


Notes:

(1)L'équipe scientifique est constituée de:

O. Groussin, Laboratoire d'Astrophysique de Marseille (LAM/OAMP, INSU-CNRS, Université de Provence), France;
J. M. Sunshine, T. L. Farnham, L. M. Feaga. F. Merlin et M. F. A'Hearn, Université du Maryland, Etats-Unis;
R. E. Milliken, Jet Propulsion Laboratory, Etats-Unis.

(2) EPOXI est la prolongation de la mission Deep Impact de la NASA. Cette sonde a pour objectif le survol de la comète 103P/Hartley 2, qu'elle atteindra en novembre 2010.

(3) Spectromètre imageur visible et infrarouge.
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