Situées à plus de 12 000 kilomètres des Alpes, les îles Kerguelen abritent le plus gros glacier français: la calotte Cook (environ 500 km2 en 1963). En combinant des informations historiques avec des données satellitaires récentes, les glaciologues du laboratoire d'études en géophysique et océanographie spatiale (Université Paul Sabatier / CNRS / CNES / IRD) ont observé la diminution rapide et accélérée des glaces. Depuis 40 ans, la calotte Cook s'est amincie de près d'1,5 mètre par an, sa surface a diminué de 20% et ce recul est deux fois plus rapide depuis 1991. Leurs travaux vont être publiés dans le Journal of Geophysical Research.
L'archipel des Kerguelen se situe dans l'océan indien austral et de nombreux glaciers recouvrent les zones les plus élevées de ces îles. Les premières études effectuées au cœur de ce laboratoire privilégié de la recherche française ont montré un recul d'abord lent du glacierAmpère (l'un des glaciers de la calotte Cook) entre 1800 et 1965 et beaucoup plus rapide ensuite. Depuis 1974, le suivi in situ de la calotte Cook n'est plus assuré. Cependant, des observations effectuées depuis l'espace entre 1991 et 2006, ont permis aux scientifiques de recueillir des données dans cette zone difficile d'accès.
Les glaciologues du laboratoire d'études en géophysique et océanographie spatiale (LEGOS – Université Toulouse 3/CNRS/IRD/CNES) ont commencé leur travaux par un inventaire complet des glaciers des îles Kerguelen à partir d'une carte de l'Institut Géographique National (IGN) publiée en 1967. A cette époque, ces glaciers couvraient plus de 700 km2 dont 500 km2 pour la seule calotte Cook. Puis, grâce aux images des satellites Spot et Landsat, les scientifiques ont actualisé cet inventaire pour les années 1991, 2001 et 2003 et quantifié le retrait glaciaire. La calotte Cook ne couvrait plus que 448 km2 en 1991, 403 km2 en 2003. Elle a donc perdu 20% de sa surface en 40 ans et son recul est deux fois plus rapide depuis 1991. Par ailleurs, les chercheurs ont estimé les pertes de volume (ou bilan de masse) de la calotte Cook depuis 40 ans. Ce bilan de masse caractérise fidèlement la réponse du glacier aux variations climatiques (température, précipitation) et permet de comparer les réponses glaciaires dans différentes régions du globe. Ainsi, l'amincissement de la calotte Cook atteint 300 à 400 mètres au niveau des langues glaciaires à basse altitude tandis que les variations d'épaisseur semblent plus faibles dans les régions hautes. En moyenne pour toute la calotte et depuis 1963, les pertes d'épaisseur atteignent environ 1,5 mètre par an, une valeur très élevée quand on la compare à d'autres glaciers du globe. En 40 ans, la calotte a ainsi perdu près de 22% de son volume. Cet amincissement semble, lui aussi, s'accélérer pour la période récente.
Les glaciers des îles Kerguelen reculaient déjà dans les années 1960 et leur déclin depuis 40 ans ne peut être attribué uniquement au réchauffement récent lié, entre autres, à l'activité humaine. Une partie de ce recul s'explique en effet par la réponse retardée de ces glaciers au réchauffement naturel qui a suivi le Petit Age de Glace (période froide qui s'est achevée entre 1850 et 1900). En revanche, l'accélération récente des pertes glaciaires est sans doute liée aux températures élevées et aux faibles précipitations depuis le début des années 1980.