Des chercheurs de l'IBMM (ULB) montrent qu'une néphropathie courante appelée "End-Stage Renal Disease" résulte d'une sélection de mutations de la protéine apoL1 qui ont permis à l'homme, au moment de son apparition évolutive en Afrique, de résister au parasite africain Trypanosoma rhodesiense, l'agent responsable de la maladie du sommeil.
Trypanosoma brucei dans le sang d'un patient atteint de la maladie du sommeil Illustration: Wikipedia/CDC/Dr. Myron G. Schultz
Le Laboratoire de parasitologie moléculaire de la Faculté des sciences de l'ULB a découvert en 2003 qu'une protéine sérique appelée apolipoprotein L1 (apoL1) protège l'homme contre l'infection par le parasite africain Trypanosoma brucei.
La maladie du sommeil résulte du fait que certains de ces parasites ont acquis une résistance contre l'apoL1, et peuvent donc infecter l'homme en dépit de la présence de l'apoL1. Tel est le cas de Trypanosoma brucei rhodesiense et T. b. gambiense, respectivement présents en Afrique de l'Est et en Afrique de l'Ouest.
Connaissant le mécanisme permettant à T. b. rhodesiense de résister à l'apoL1, le Laboratoire de l'ULB a conçu des versions mutantes de l'apoL1 qui évitent l'inhibition par le parasite et tuent donc ce dernier. En modèle expérimental (infection de souris), ces apoL1 mutées permettent de bloquer efficacement l'infection par T. b. rhodesiense, et représentent une base de stratégie nouvelle de lutte contre la maladie du sommeil. Ce travail fut publié en 2009 dans le journal "PLoS Pathogens".
En collaboration avec des chercheurs américains – et en particulier l'Harvard Medical School – le laboratoire de l'Institut de biologie et de médecine moléculaires (IBMM) de l'ULB vient de mettre au jour un lien inattendu entre la protéine apoL1 et une néphropathie courante. Leur recherche est publiée dans la revue Science de ce 15 juillet.
Les chercheurs montrent que des formes mutées de l'apoL1, similaires aux versions générées en laboratoire en 2009, existent en fait dans la nature, et semblent avoir été sélectionnées pour résister à T. b. rhodesiense sur le terrain.
En appui de l'évidence d'une sélection contre un parasite africain, ces mutations sont beaucoup plus fréquemment rencontrées chez les individus d'origine africaine récente, comme typiquement chez les Afro-Américains.
Le prix à payer pour cette résistance au parasite est le développement progressif d'une néphropathie courante, appelée "End-Stage Renal Disease", qui consiste en une dégénérescence incurable des reins.
Alors que la résistance à T. b. rhodesiense est dominante, la maladie rénale n'apparaît qu'en conditions récessives, c'est-à-dire lorsque les deux allèles du gène de l'apoL1 sont mutés.
L'observation que des formes mutées d'apoL1 provoquent la dégénérescence des reins pourrait accélérer les progrès des connaissances au sujet de cette maladie extrêmement répandue.
Avancée inattendue donc: en étudiant pendant de nombreuses années un parasite qui cause la maladie du sommeil en Afrique, les chercheurs progressent aujourd'hui dans la compréhension d'une néphropathie courante, consistant en une dégénérescence incurable des reins.
Informations scientifiques: Etienne Pays, Laboratoire de parasitologie moléculaire, ULB +32 (0)2 650 97 59 ou [email protected]