Un même gène colore les papillons de jour et camoufle ceux de nuit

Publié par Adrien,
Source: CNRS-INEEAutres langues:
Restez toujours informé: suivez-nous sur Google Actualités (icone ☆)

Dans les forêts tropicales d'Amérique latine, les papillons toxiques du genre Heliconius arborent sur leurs ailes des motifs aux couleurs vives que les prédateurs apprennent à reconnaître et éviter. Pour une meilleure protection, différentes espèces de papillons, vivant sur un même territoire, s'imitent mutuellement, alors qu'une même espèce vivant dans des régions différentes peut arborer des motifs distincts. Comment ces papillons réalisent-ils cette étonnante stratégie évolutive ? Dans un article publié dans Nature le 1er juin 2016, une équipe internationale composée de chercheurs du Centre d'Ecologie Fonctionnelle et Evolutive (CEFE - CNRS/Université de Montpellier/Université Paul Valéry Montpellier 3/EPHE) et de l'Institut Systématique, Evolution, Biodiversité (ISYEB - CNRS/MNHN/UPMC/EPHE), a identifié le gène responsable des différences d'agencement des couleurs chez ces papillons. Plus étonnant, ce même gène appelé, cortex, contrôle également la variation de coloration chez une espèce nocturne des régions tempérées, la phalène du bouleau. Ce gène révèle ici un rôle jusque-là inconnu, surprenant, montrant comment la sélection naturelle remodèle les fonctions ancestrales pour former de nouvelles adaptations.


Quatre formes colorées du papillon Amazonien Heliconius numata, dont l'agencement précis des couleurs joue le rôle d'avertissement de leur toxicité, et détermine la survie face aux prédateurs. Au milieu, deux formes, typique et mélanique, du papillon de nuit européen, la phalène du bouleau, dont les différences de coloration participent au camouflage sur des substrats différents. Toutes ces variations importantes dans la survie sont contrôlées par le même gène, cortex, qu'une équipe internationale vient de mettre en évidence. © Mathieu Joron

Dans cette étude, les scientifiques sont parvenu a identifié le gène qui contrôle les variations des motifs colorés chez trois espèces différentes d'Heliconius. Deux de ces espèces ont des motifs de couleurs presque identiques, une convergence appelée mimétisme et évoluant sous l'action de la sélection naturelle. La troisième espèce a des motifs d'avertissement très différents. Ce même gène, appelé cortex, contrôle donc à la fois la ressemblance et les différences de motifs entre ces espèces toxiques.

Indépendamment, un groupe de chercheurs de Liverpool a également montré que le gène cortex contrôle le camouflage et le fameux "mélanisme industriel" chez la Phalène du bouleau. Ces papillons nocturnes européens, icônes de l'action de la sélection naturelle, présentent typiquement une coloration blanche marbrée, grâce à laquelle ils sont parfaitement camouflés durant la journée sur les troncs couverts de lichens. Mais en Grande-Bretagne, au cours de la révolution industrielle, les phalènes ont changé de couleur. En effet, les individus sombres, mieux camouflés sur les troncs noircis par la pollution, sont devenus majoritaires. Suite à l'introduction d'une loi sur la pureté de l'air, ces papillons pâles sont redevenus prédominants. Les chercheurs ont montré que le changement de coloration a été produit par une mutation dans le gène cortex, qui a eu lieu environ 30 ans avant la première observation de phalènes noires à Manchester.

Ces deux exemples indépendants montrent que le gène cortex joue un rôle de premier plan dans l'évolution des motifs colorés dans tout ce groupe d'insectes (Lépidoptères). "Il est remarquable que le même gène contrôle une telle diversité des couleurs et des motifs chez les papillons de jour comme de nuit, s'étonne Mathieu Joron, biologiste au CEFE et co-auteur de l'étude, Cela est d'autant plus surprenant qu'on pensait auparavant que le gène cortex n'était impliqué que dans la production de cellules d'oeufs chez les insectes femelles, et qu'il est très similaire à un gène qui contrôle la division cellulaire dans tous les organismes eucaryotes, de la levure à l'homme ".

L'ensemble de ces résultats démontre la flexibilité des génomes et la remarquable convergence fonctionnelle à laquelle la sélection naturelle peut aboutir. Reste maintenant à découvrir comment un gène important dans la division cellulaire est devenu un gène clé de l'évolution de la coloration et de la survie chez les papillons.
Page générée en 0.173 seconde(s) - site hébergé chez Contabo
Ce site fait l'objet d'une déclaration à la CNIL sous le numéro de dossier 1037632
A propos - Informations légales
Version anglaise | Version allemande | Version espagnole | Version portugaise