Un nitrène, type d'entité chimique reconnu depuis plus d'un siècle comme une espèce transitoire, instable et observable uniquement à très basse température, a été isolé à température ambiante par les chercheurs de l'Unité mixte internationale du CNRS
(1), située à l'
Université de Californie à San Diego, en collaboration avec une équipe de l'
Université de Marburg en Allemagne. Cette découverte pourrait avoir des applications considérables pour la synthèse de produits de base comme l'
ammoniac, très utilisé dans l'industrie, mais aussi de composés chimiques très sophistiqués, utilisés en
pharmacie. Ces résultats sont publiés dans la revue
Science du 21 septembre 2012.
Les nitrènes sont les analogues azotés des carbènes. Ces deux entités chimiques doivent leur instabilité chronique à leur déficience en électron. En modifiant l'environnement autour de l'atome d'azote d'un nitrène, les expérimentateurs du CNRS et les théoriciens allemands ont pu augmenter suffisamment sa
densité électronique pour décroitre sa réactivité et le rendre isolable sous
forme cristalline à
température ambiante.
A la fin des années 80, la découverte des premiers carbènes stables a impulsé un nombre croissant de travaux qui en font aujourd'hui un champ de recherche important. Par analogie, on peut s'attendre à une même explosion des travaux sur les nitrènes stables.
Dans l'article publié dans
Science, les chercheurs ont également démontré que les nitrènes peuvent transférer un atome d'azote à des fragments organiques. Cette possibilité ouvre la voie à de nouvelles synthèses économiques d'une multitude de produits azotés dont les applications vont de la
chimie lourde
(2), telle la production d'ammoniac
(3), aux composés à la base de nombreux produits pharmaceutiques (hétérocyles azotés). De plus, tout comme les carbènes, les nitrènes pourraient avoir des applications en
catalyse.
Notes:
(1) University of California, San Diego - CNRS Joint Research Chemistry Laboratory
(2) Les industries de chimie lourde fabriquent à coût réduit des molécules en grand volume, contrairement à la chimie fine qui produit en quantité plus modeste des molécules, souvent à haute valeur ajoutée.
(3) La production mondiale d'ammoniac s'élève à plus de 140 millions de tonnes par an.