La réparation des cassures de l'ADN, indispensable au maintien de la stabilité du génome, peut aussi générer de l'instabilité génétique si cette réparation joint deux extrémités d'ADN éloignées. Des chercheurs de l'Institut Gustave Roussy montrent que le complexe protéique de cohésion réprime la ligature de deux extrémités éloignées sans affecter la réparation des extrémités proches. Ces travaux sont publiés dans la revue Molecular Cell.
Le génome est continuellement soumis à des agressions aussi bien endogènes, liées à la production de radicaux libres par le métabolisme de la cellule ou les perturbations de la duplication de l'ADN, qu'exogènes induites par les radiations ou certaines molécules chimiques. Ces agressions génèrent des altérations de l'ADN qui peuvent être à l'origine de différentes pathologies telles que l'initiation et le développement tumoral. Les cassures affectant simultanément les 2 brins complémentaires de l'ADN (cassures double-brin: CDB) sont des lésions extrêmement toxiques qui peuvent générer des réarrangements génétiques. Cependant, certains processus physiologiques, tels que la méiose ou l'établissement de la diversité du répertoire immunitaire, tirent profit de la capacité des CDB à générer de la variabilité génétique. La régulation de la réparation doit donc autoriser le développement de cette diversité génétique contrôlée, tout en évitant l'instabilité génétique incontrôlée.
Dans les cellules humaines, la ligature d'extrémités double-brin non-homologues de l'ADN est un système prépondérant de réparation des CDB. Cependant ce mécanisme, bien qu'indispensable au maintien de la stabilité du génome, peut aussi être à double tranchant. En effet, si la ligature est effectuée entre deux extrémités éloignées, elle aboutit inexorablement à des réarrangements génétiques. Ce mécanisme est particulièrement dangereux dans le cas des CDB avec une seule extrémité d'ADN générée par les accidents de la réplication de l'ADN. La ligature de telles CDB implique donc obligatoirement des extrémités éloignées.
Lors de la réplication de l'ADN, les deux brins néo-synthétisés (chromatides-soeurs) sont maintenus liés ensemble par un complexe de protéines appelé le complexe de cohésion. Des chercheurs de l'Institut Gustave Roussy dévoilent un nouveau rôle pour le complexe de cohésion: la répression spécifique de la ligature de deux extrémités éloignées de l'ADN en restreignant la mobilité des chromatides soeurs. Cette activité du complexe de cohésion est prépondérante pendant la phase de réplication de l'ADN (phase S), qui est la phase à haut risque. Il est à souligner que la ligature d'extrémités proches n'est pas affectée (Figure 1). L'absence du complexe de cohésion pendant la phase S augmente la ligature d'extrémités éloignées générant une instabilité génétique accrue. En particulier, la ligature d'extrémités éloignées aboutit à la fusion de chromosomes (Figure 2) qui est accrue en présence d'un stress réplicatif. Les fusions de chromosomes (chromosomes dicentriques) conduisent à des ségrégations aberrantes en mitose, avec pour conséquences un contenu chromosomique anormal dans les cellules filles. Ainsi, le complexe de cohésion contrôle le choix du partenaire utilisé pour la réparation, autorisant celle-ci en cas de dommages à l'ADN, mais limitant les risques inhérents d'instabilité génétique.