L'archéologue Véronique Forbes au travail sur le site de Vatnsfjördur en Islande. La forte concentration de puces d'oiseaux trouvée lors des fouilles suggère qu'on y faisait le nettoyage et l'entreposage du duvet d'eider.
L'analyse de restes d'insectes découverts sur des sites archéologiques permet de mieux comprendre les conditions de vie des sociétés ancestrales.
Les Inuits qui vivaient au Groenland entre le 13e et le 17e siècle étaient plus soucieux de l'hygiène que ce qu'ont rapporté plusieurs explorateurs de l'Arctique, relate une étude parue récemment dans l'International Journal of Paleopathology. Ce constat a été établi grâce à l'analyse de restes de poux et de puces effectuée par une équipe d'archéologues spécialisés en entomologie constituée d'Allison Bain, professeure au Département des sciences historiques, ainsi que de Frédéric Dussault et de Véronique Forbes, diplômés à la maîtrise en archéologie. La découverte de puces d'oiseaux a aussi permis de repérer certains sites islandais où avait lieu le commerce du duvet d'eider.
?Au Groenland, les chercheurs ont fouillé quatre maisons d'hiver datant de plusieurs siècles. Ils ont découvert que la concentration de parasites était moins élevée dans les pièces les plus fréquentées par les anciens occupants. En effet, les puces et les poux recueillis à l'intérieur de trois des quatre résidences étaient plus nombreux dans le tunnel d'entrée que dans le salon ou sur la plateforme qui faisait office de chambre. L'épouillage constituait une pratique courante à l'époque. Il semble que, par souci d'hygiène, les Inuits tenaient ces parasites le plus à l'écart possible. De plus, les chiens n'étaient généralement pas admis dans les habitations des Inuits. L'importante concentration de puces de chien repérée dans l'entrée a permis de déduire que ces animaux étaient en de rares occasions admis à l'intérieur, mais dans cette pièce seulement.
En Islande, l'équipe a analysé des restes de puces d'oiseaux afin de documenter les origines et l'évolution de l'exploitation du duvet d'eider, un produit réputé pour ses propriétés d'isolation thermique. Alors qu'il est rare que du duvet d'eider soit trouvé dans les sites archéologiques en raison de sa fragilité, les fouilles du site de Vatnsfjördur ont permis de découvrir 159 puces d'oiseaux dans le sol d'une hutte datant du 19e siècle. Cette pièce aurait en fait servi de lieu de nettoyage et d'entreposage à du duvet récolté dans des centaines de nids. Pendant la nidification, les femelles eiders arrachent les plumes de leur ventre pour en tapisser leur nid. Les puces apportées avec le duvet étaient ainsi concentrées en un seul lieu.
Du duvet d'eider avait déjà été retrouvé dans des sépultures scandinaves de l'époque viking et plusieurs sources historiques mentionnent également cette production. "L'archéoentomologie nous fournit toutefois l'un des seuls moyens de repérer les sites d'exploitation du duvet d'eider et donc de clarifier l'origine et l'évolution de ce produit au fil des siècles", conclut Véronique Forbes.