S'il est étudié depuis plusieurs décennies, le processus physiologique du sommeil reste cependant très mal connu. Quelle est son origine ? Comment a-t-il évolué ? A quoi sert-il ? Autant de questions irrésolues et sujettes à de nombreux débats scientifiques. Pour tenter d'y répondre et pour la première fois, des chercheurs de l'équipe SLEEP du Centre de Recherche en Neurosciences de Lyon (CNRS/INSERM/Université Claude Bernard Lyon 1) et du Département d'Ecologie et de Gestion de la Biodiversité du laboratoire Mécanismes Adaptatifs et Evolution (MECADEV - CNRS/MNHN) se sont intéressés à deux groupes d'animaux encore peu étudiés par les spécialistes du sommeil mais incontournables de par leur position évolutive: les reptiles et les amphibiens. Les résultats de cette étude sont publiés dans le journal Biological reviews.
La plupart des vertébrés et des invertébrés présente une phase d'immobilité qui peut être considérée comme un état de sommeil. Cependant, des chercheurs pensent que certains poissons, grenouilles, tortues et crocodiles ne dorment jamais pendant que d'autres stipulent que tous les animaux, incluant les insectes, les scorpions et les araignées présentent des formes de sommeil. Ce qui semble faire l'objet d'un consensus, c'est que les mammifères terrestres et les oiseaux présentent deux états de sommeil accompagnés chacun de caractères comportementaux et électrophysiologiques bien distincts: un sommeil calme, dit "sommeil lent", marqué par la présence d'ondes lentes dans le cortex, et un sommeil actif principalement associé aux rêves: le "sommeil paradoxal".
Comme tous les animaux, les reptiles et les amphibiens expérimentent quotidiennement des phases de repos. En revanche, la présence chez eux de deux états de sommeil bien distincts n'a pas encore été démontrée. Dans le but d'apporter des éléments de réponses à ce sujet, les biologistes Paul-Antoine Libourel et Anthony Herrel ont synthétisé pour la première fois, dans un article de 34 pages, tous les travaux scientifiques qui ont traité jusque-là du sommeil chez ces deux groupes. Malgré un manque certain de données, cette revue fait le point sur les connaissances concernant le sommeil des différentes espèces d'amphibiens et reptiles, et discute les limites des études réalisées et de la nomenclature utilisée pour objectiver la présence de sommeil. "Les reptiles et les amphibiens sont des espèces trop peu étudiées dans le cadre du sommeil. Or leur spécificités physiologiques, notamment en terme de thermorégulation, en font des espèces incontournables pour comprendre le pourquoi du sommeil, du rêve et son origine", insiste Paul-Antoine Libourel.
C'est travaux ont permis de confirmer que les reptiles et les amphibiens ont bien un sommeil "comportemental" caractérisé par des positions et lieux de sommeil spécifiques, une inactivité comportementale et une récupération après privation. De plus, les informations récoltées suggèrent la présence de mouvements des yeux et des pattes pendant cet état de sommeil chez les reptiles. Cependant, conclure que ces animaux ont bien un sommeil lent et paradoxal s'est avéré impossible, notamment en raison du manque de données d'activité cérébrale .
"Il devient donc fondamental de développer des études comportementales et électrophysiologiques du sommeil des amphibiens et des reptiles mais également de s'affranchir des définitions centrées sur le sommeil des mammifères. Il nous faut trouver le moyen de pouvoir comparer des espèces aussi diversifiées, tant sur le plan écologique que morphologique. Un consensus dans les définitions et les approches méthodologiques comparatives doit donc émerger si on souhaite comparer ce qui est comparable et résoudre les nombreux mystères du sommeil ", concluent les chercheurs.