Les deux mutations rares étudiées par les chercheurs causent une arythmie cardiaque et un élargissement des chambres du coeur.
Une équipe de la Faculté de médecine vient de mettre en lumière un mécanisme qui pourrait être à la base de certaines arythmies cardiaques ainsi que de nombreuses maladies musculaires ou nerveuses. Toutes ces pathologies auraient un dénominateur commun: elles résulteraient de fuites dans les canaux assurant la circulation des ions entre l'intérieur et l'extérieur des cellules. C'est ce que suggère l'étude publiée dans le Journal of General Physiology par Adrien Moreau, Pascal Gosselin-Badaroudine et Mohamed Chahine, du Centre de recherche de l'Institut universitaire en santé mentale de Québec, et par leurs collègues de l'Université Temple de Philadelphie, Lucie Delemotte et Michael L. Klein.
La circulation des ions sodium entre l'intérieur et l'extérieur des cellules est essentielle pour initier la contraction normale du coeur et des autres muscles, rappelle l'étudiant-chercheur Adrien Moreau. Pour franchir la membrane cellulaire, les ions empruntent un canal niché au centre d'une volumineuse protéine qui traverse la membrane de part en part. C'est la configuration tridimensionnelle des acides aminés qui composent cette protéine qui crée la voie de passage. Ce canal comprend une zone névralgique, appelée capteur de voltage, qui contrôle la circulation des ions en modifiant la conformation spatiale de la protéine. Les mutations touchant ces capteurs risquent donc d'avoir des répercussions sur le fonctionnement des canaux.
C'est effectivement ce qu'ont découvert les chercheurs en étudiant deux mutations rares retrouvées chez des personnes qui souffrent d'arythmie cardiaque accompagnée d'un élargissement des chambres du coeur. Par contre, une surprise les attendait au détour. "Les deux mutations affectent le même capteur de voltage, mais la première augmente le passage du sodium, alors que l'autre le réduit", souligne Adrien Moreau. En creusant la question, les chercheurs ont découvert la solution à ce paradoxe: les deux mutations causent l'ouverture d'une seconde voie de passage dans la protéine par où les ions sodium circulent. "Nous croyons que c'est cette fuite qui est derrière la pathologie observée", précise-t-il.
Il n'y a pas que les canaux ioniques du coeur qui seraient aux prises avec des problèmes de fuites, laisse entendre l'étudiant-chercheur. "Il existe des mutations similaires à celles que nous avons étudiées qui affectent d'autres canaux ioniques ailleurs dans le corps. Nous croyons que les fuites d'ions pourraient expliquer d'autres maladies musculaires, certaines douleurs pathologiques et même des formes d'épilepsie. Notre découverte ne permettra pas, à court terme, de mieux soigner les personnes qui en souffrent, mais elle met en lumière un nouveau mécanisme qui pourrait nous aider à mieux comprendre les causes de ces différentes maladies et, possiblement, à développer de nouveaux traitements."