La news rétro de ce dimanche est une ode du début du siècle dernier à la poussière !
Avertissement: Cette news rétro retranscrit des connaissances scientifiques, techniques ou autres de 1906, et contient donc volontairement les arguments, incertitudes ou erreurs d'époque.
La poussière ! Elle nous entre dans le nez, brûle nos yeux, enflamme notre gorge ; elle salit notre linge, encrasse nos appartements, sert de véhicule invisible aux mille espèces microbiennes qui parcourent les airs à la recherche d'une proie. Elle est le désespoir des ménagères, des hygiénistes, surtout des piétons, des pauvres piétons d'aujourd'hui qui s'en vont par les routes dans le sillage des bicyclettes, motocycles,
automobile et autres chars de fer. vacarme de roues et de trompes ; hommes vêtus de peaux de bêtes, casqués de verre, couverts d'un enduis gras ; tourmente qui vient comme la
foudre et qui passe dans un nuage aveuglant et nauséabond !... Coups de
brosse, rhumes de
cerveau, pharyngites, angines, ophtalmies... Voilà le
tableau qu'évoque pour un habitant de la Terre, en ce début de
siècle, ce mot: la poussière ! Et pourtant que de services elle nous rend !
Les fonctions de la poussière
La poussière, en effet, cette matière impondérable qui court, danse, voltige, tourbillonne par les airs, n'est pas uniquement ouvrière de saleté, d'éternuements, de troubles domestiques. La poussière est un élément de vie universelle qui tient glorieusement son rôle à coté de l'eau, de l'air, du vent, de la lumière, de la
planète et des étoiles de la nuit. Elle est une force cosmique dont nous ne pourrions nous passer.
La danse des atomes
Elle ne connaît pas le repos. Dans le vent, la pluie, les tempêtes, dans le calme de m'atmosphère elle va, elle vient, monte et retombe sur le sol, fait au globe tout entier, dans sa course autour du Soleil, ses balancements sur lui-même et sa propre révolution, un léger manteau translucide, un voile baigné d'air, brodé d'azur et de lumière. Quelquefois, quand le vent, les pas ou les roues la font se lever sur les routes, ou quand un rayon la
traverse dans une chambre obscure, nous la voyons, nous la touchons, elle est presque matière compacte, et c'est alors que nous ne trouvons pas de mots assez cruels pour qualifier son rôle. Mais presque toujours, nous ignorons sa présence, alors que nous la respirons, que nous vivons en elle et qu'elle organise pour nous, avec ses milliards d'ouvriers invisibles, la vie du globe où nous vivons.
Des milliards de débris
Elle remplit l'espace. Arrachée au flanc de la Terre par les troubles de l'atmosphère, elle se mêle aux cendres des volcans, au sel que l'eau des mers éparpille dans l'étendue, au charbon, aux fragments des bolides, aux résidus des combustibles de nos demeures, aux spores, aux pollens, aux débris organiques emportés par le vent. Elle est partout: dans les espaces libres, à la surface de la Terre, il y en aurait par centimètre cube 32 000 grains après la pluie, 130 000 pendant la sécheresse ; sur les toits des cités, on en trouve lus de 5 000 000 et près de 1 900 000 dans les appartements.
Il y en a des centaines encore au sommet des montagnes et tel marin en recueillit vingt-quatre barils en pleine mer, de New York à San Francisco, bois, cuir, terre végétale, fer, sable, débris organiques, microbes !
La poussière et le vent
Les vents qui la soulèvent, c'est elle qui contribue le plus à les créer. Elle gît en étendues immenses en Afrique, en Asie, dans le Sahara, le Gobi, la Perse, l'Arabie. Le jour, ces grands espaces deviennent brûlants en quelques heures ; la nuit, il rayonnent et se glacent, et l'air dilaté sous le Soleil ou concentré sous les étoiles monte ou descend et crée du pôle à l'équateur les courants qui balaient le monde. et ces déserts font germer les forêts, puisque le vent distribue les nuages, et que les nuages eux-mêmes se ramassent de préférence autour des noyaux poussiéreux, plus froids que l'air qui les entoure.
Et c'est encore la poussière dispersée au-dessus des plaines qui pulvérise et tamise la pluie et l'empêche de ruisseler en nappes sur les cités et les récoltes. Autant que l'eau, autant que le Soleil, elle féconde la planète
La lumière du jour
Pour certains (Pr Escriche, de Barcelone) le ciel serait noir si la poussière n'était là pour arrêter à leur passage les petites ondes du spectre (bleu, indigo). Elle condense la chaleur dans les couches de l'atmosphère, réfléchit en les diffusant les nappes d'or qui pleuvent su Soleil, elle fait saigner les couchants et s'illuminer les aurores. Par elle, l'image fleurit dans l'âme ingénue des poètes, et la lyre, sans le savoir, la venge du balai.