Publication dans Nature Communications: des chercheurs de l'Université libre de Bruxelles et de l'Institut des Sciences Photoniques de Barcelone prouvent pour la première fois la sécurité de nouveaux systèmes de cryptographie quantique plus sûrs que les systèmes actuels et avec des taux de génération de clefs similaires.
La cryptographie quantique permet de sécuriser la transmission de données en utilisant des clefs générées et échangées à l'aide de particules quantiques, les photons. Comme la mécanique quantiquestipule que toute observation de l'état quantique d'une particule modifie cet état, toute tentative d'interception de la clef par un espion peut en principe être repérée par les utilisateurs. La sécurité des protocoles de cryptographie quantique est donc absolue et garantie par les lois mêmes de la physique. En théorie oui, mais en pratique ? La sécurité d'un protocole de cryptographie quantique repose sur le fait que les appareils quantiques mesurent bien les bonnes propriétés physiques des photons, celles qui permettent de détecter un espion éventuel. Or, des défauts d'implémentation ou des failles du système peuvent compromettre la sécurité d'un système de cryptographie quantique sans laisser de trace visible aux utilisateurs. De tels défauts d'implémentation (corrigés depuis) ont été exploités l'année dernière par des “hackers quantiques” pour casser complètement les principaux systèmes de cryptographie quantique actuellement commercialisés.
Depuis quelques années, suivant une approche initiée par Jonathan Barrett alors postdoc à l'Université libre de Bruxelles (ULB), les chercheurs s'intéressent à des protocoles de cryptographie quantique dont la sécurité, si elle se base toujours bien sur les lois de la physique quantique, ne repose en revanche sur aucune hypothèse sur le fonctionnement interne des appareils quantiques !
Les appareils quantiques sont décrits comme des “boites noires” qui reçoivent des données à l'entrée et produisent en réponse des données à la sortie. Pourvu que les deux utilisateurs observent certaines corrélations particulières entre les données produites par leurs boites noires respectives, le caractère secret des clefs générées par les appareils quantiques est garanti indépendamment de toute hypothèse sur leur fonctionnement interne. En principe, les appareils quantiques pourraient même avoir été conçus par l'espion lui-même ! En dehors de l'intérêt pratique de cette approche, qui rend toute tentative d'attaque du système futile, elle représente sur un plan plus conceptuel, le niveau ultime de sécurité permis par nos connaissances physiques actuelles.
Il restait cependant encore à prouver que cette nouvelle approche est en effet sûre - ceci n'avait été fait jusqu'à présent que pour certaines attaques restreintes -. Il fallait aussi montrer que cette nouvelle approche permet de générer des clefs à un taux raisonnable. C'est ce qu'ont démontré Stefano Pironio de la Faculté des Sciences de l'ULB et Lluis Masanes et Antonio Acín de l'Institut des Sciences Photoniques à Barcelone dans un article paru dans la revue Nature Communications. Ils établissent la première preuve complète de sécurité de ces nouveaux systèmes de cryptographie pour des taux de génération de clefs comparables à ceux des systèmes actuels. Bien que leur preuve de sécurité repose sur une petite hypothèse sur le fonctionnement des appareils quantiques, qui peut se justifier dans certaines implémentations, leurs résultats démontrent que cette nouvelle approche est en principe possible et représentent une avancée vers des systèmes de cryptographie quantique plus sûrs.
Les résultats de leur recherche sont publiés dans la revue Nature Communications du 16 mars 2011.