Des chercheurs de l'UNIGE ont découvert que les photons expulsés lors de la création d'un trou noir paraissent désordonnés, alors qu'ils sont en fait organisés en fonction de leur tranche temporelle.
L'expérience POLAR sur le laboratoire spatial chinois TiangGong-2, lancé le 15 septembre 2016. La lumière verte incandescente imite la lumière scintillante lorsqu'un photon gamma frappe l'une des 1600 barres de scintillation spécialement conçues. Cette vue d'artiste est basée sur une photo prise par une caméra située à plusieurs mètres derrière POLAR. © UNIGE
Lorsqu'un trou noir se crée, il émet pendant un bref instant une gigantesque bouffée de lumière très énergétique sous forme de rayons gamma, nommée sursaut gamma. Ce phénomène comprend tous les plus grands mystères de la physique actuelle: ondes gravitationnelles,
relativité générale (La relativité générale, fondée sur le principe de covariance générale...),
température (La température est une grandeur physique mesurée à l'aide d'un thermomètre et...) et
accélération (L'accélération désigne couramment une augmentation de la vitesse ; en physique,...) de particules beaucoup plus énergétiques que celle atteintes au CERN. C'est pourquoi des chercheurs de l'
Université de Genève (L'université de Genève (UNIGE) est l'université publique du canton de Genève en...) (UNIGE), en collaboration avec l'Institut Paul Scherrer (PSI) de Villigen, l'Institut of High Energy Physics de Pékin et le Centre National de la recherche nucléaire de Swierk en Pologne, ont construit l'instrument POLAR, envoyé en 2016 sur le laboratoire spatial Chinois Tiangong-2, afin d'analyser les sursauts gamma. Contrairement aux théories développées, les premiers résultats de POLAR révèlent que les sursauts gamma ne sont ni
complètement (Le complètement ou complètement automatique, ou encore par anglicisme complétion ou...) chaotiques, ni complètement organisés, mais un mélange des deux: dans chaque tranche temporelle, les photons oscillent dans une même direction, mais la direction d'
oscillation (Une oscillation est un mouvement ou une fluctuation périodique. Les oscillations sont soit à...) change avec le temps, créant un ensemble chaotique. Ces résultats, à lire dans la revue Nature Astronomy, ouvrent un nouveau pan pour la recherche et les théories des sursauts gamma.
Lorsque deux étoiles à neutrons entrent en collision ou qu'une étoile super massive s'effondre sur elle-même, un trou noir se crée. Cette naissance est caractérisée par une gigantesque bouffée de rayons gamma – de la lumière très énergétique –, nommée sursaut gamma (GRB). Sur Terre, seule la radioactivité peut émettre de tels rayons.
Les précurseurs de trous noirs sont-ils organisés ou chaotiques ?
Encore très mystérieux, ce phénomène physique oppose deux écoles. La première considère que les photons qui constituent le sursaut gamma sont polarisés, qu'ils oscillent dans une même direction, soit verticale, soit horizontale. Si tel était le cas, la source des photons fournirait une direction privilégiée grâce à un
champ magnétique (En physique, le champ magnétique (ou induction magnétique, ou densité de flux...) et offrirait aux astronomes la possibilité de définir la
géométrie (La géométrie est la partie des mathématiques qui étudie les figures de l'espace...) et la taille du lieu de naissance du trou noir. La seconde école, au contraire, suggère que le précurseur du trou noir est chaotique et que les photons ne sont pas polarisés, oscillant dans n'importe quelle direction. Mais comment vérifier cela ?
"Notre collaboration internationale a construit et envoyé dans l'espace le premier détecteur d'astroparticules POLAR, assez puissant pour mesurer la
polarisation ( la polarisation des ondes électromagnétiques ; la polarisation dûe aux moments...) des sursauts gamma et tenter d'en découvrir la source", explique Xin Wu, professeur au Département de
physique des particules (La physique des particules est la branche de la physique qui étudie les constituants...) de la Faculté des sciences de l'UNIGE. Son système de fonctionnement est simple. Il s'agit d'un carré de 50x50 cm2 constitué de 1600 barres de
scintillateur (Un scintillateur, est un matériau qui émet de la lumière suite à l'absorption d'un rayonnement.) qui permet de faire entrer en collision des photons avec des atomes. Lorsqu'un photon percute une barre en entrant dans POLAR, il expulse un deuxième photon qui provoque une autre collision visible. "Si les photons sont polarisés, nous observons une conformité de direction entre les deux impacts de photons, continue Nicolas Produit, chercheur au département d'
astronomie (L’astronomie est la science de l’observation des astres, cherchant à expliquer...) de la Faculté des sciences de l'UNIGE. Au contraire, s'il n' a pas de polarisation, le second photon issu de la première collision partira dans n'importe quelle direction de manière totalement aléatoire."
De l'ordre dans le chaos
En six mois, POLAR a détecté 55 sursauts gamma et les scientifiques ont analysé les oscillations de plusieurs milliers de photons provenant des 5 sursauts les plus brillants. Et les résultats sont pour le moins surprenants. "Lorsqu'on analyse la polarisation d'un sursaut gamma dans son ensemble, nous constatons une polarisation très faible, ce qui favorise certaines théories", dit Merlin Kole, chercheur au Département de physique des particules de la Faculté des sciences de l'UNIGE. Face à ce premier résultat, les scientifiques se sont penchés plus en détail sur un sursaut gamma très puissant et l'ont découpé en tranches temporelles de deux secondes. "Et là, on découvre avec surprise qu'au contraire, les photons sont très polarisés dans chaque tranche, mais que chaque tranche oscille dans une direction
différente (En mathématiques, la différente est définie en théorie algébrique des...) !", s'enthousiasme Xin Wu. D'où une vision globale du sursaut gamma très chaotique et peu polarisée. "Ceci démontre que dans le processus de création d'un trou noir, il y a des phases successives qui font évoluer la direction de polarisation dans différentes positions, mais nous ne savons pas encore pourquoi", continue Merlin Kole.
Ces premiers résultats confrontent les théoriciens à de nouveaux éléments qu'il faut intégrer dans leurs projections, partiellement remises en causes. "Nous voulons également construire un POLAR-2, plus grand et plus précis, afin de pouvoir encore creuser dans cette organisation chaotique des trous noirs, pour enfin découvrir leur source et éclaircir les mystères de cette physique très énergétique", explique Nicolas Produit.
Contacts chercheurs:
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Xin Wu, professeur associé au Département de
physique nucléaire (La physique nucléaire est la science qui étudie non seulement le noyau atomique en tant...) et corpusculaire - Faculté des sciences
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Nicolas Produit, collaborateur
scientifique (Un scientifique est une personne qui se consacre à l'étude d'une science ou des sciences et qui...) au département d'astronomie- Faculté des sciences
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Merlin Kole, post-doctorant au Département de physique nucléaire et corpusculaire- Faculté des sciences
Référence publication:
Cette recherche est publiée dans Nature Astronomy - DOI: 10.1038/s41550-018-0664-0