Dans un article publié dans la revue Nature Communications, des scientifiques montrent que les processus de régénération chez un ver marin, le ver annelé, présentent des similitudes avec ceux observés chez certains vertébrés à forte capacité de régénération, comme les amphibiens.
Ces résultats diffèrent fortement de ceux observés chez d'autres vers et offrent ainsi à la communauté scientifique de nouvelles perspectives pour comprendre les mécanismes de la régénération.
Chez de nombreux animaux, la régénération d'un membre ou d'une structure endommagée repose sur la formation d'un blastème, une masse de cellules progénitrices spécialisées capables de reformer les différentes cellules de tissus complexes.
Dans une étude publiée dans Nature Communications, les scientifiques ont utilisé un modèle animal, un ver annelé marin, pour explorer les mécanismes de régénération. Ils ont cherché à comprendre comment cette capacité de régénération s'organise dans le temps et l'espace chez un invertébré, en utilisant une approche à la fois génétique et cellulaire.
La régénération chez le ver annelé présente des caractéristiques similaires à celles de certains vertébrés
Les scientifiques ont combiné des techniques d'analyse génétique (transcriptomique, c'est-à-dire l'inventaire des gènes qui s'expriment dans une cellule donnée) et des méthodes de marquage cellulaire (qui permettent de suivre le cheminement d'une cellule individuelle), pour identifier les cellules impliquées et suivre leur développement au cours de la régénération.
Ils ont observé que chez les vers annelés, les cellules qui forment le blastème après une amputation de la queue présentent des caractéristiques similaires à celles qui ont été étudiées chez les vertébrés avec une forte capacité de régénération, comme les amphibiens. Ces cellules, chez le ver annelé comme chez les salamandres ou les grenouilles, possèdent une capacité dite "restreinte". Contrairement aux cellules souches pluripotentes (celles capables de régénérer n'importe quel type de cellule), ces cellules "à potentiel restreint" restent spécialisées selon leur couche d'origine (les trois feuillets embryonnaires, ectoderme, mésoderme, endoderme).
Cette restriction impliquerait que la régénération, chez ce ver annelé, est basée sur une "dédifférenciation" de cellules spécialisées proches de la blessure qui retournent à un état indifférencié mais ne changent pas de spécialisation. Elles ont donc une "identité" fixée qui ne peut pas être changée pendant le processus de régénération.
Enfin, la croissance postérieure du ver, en dehors de toute régénération, repose elle-même sur des populations de cellules souches à destinées restreintes. Ces cellules souches postérieures, perdues après amputation, sont donc régénérées à partir de cellules différenciées de la même identité, qu'elles ont précédemment produites dans le processus de croissance.
Un nouveau modèle pour explorer les mécanismes de la régénération
Le ver annelé est donc de ce point de vue très différent d'un autre groupe de vers qui a été étudié pour ses capacités remarquables de régénération: les vers plats ou planaires. La planaire possède des cellules souches pluripotentes qui sont seules responsables de sa croissance et de sa régénération. L'étude comparative de ces modèles animaux apportera à l'avenir beaucoup d'enseignement et permettra de mieux comprendre les mécanismes mis en jeu chez les vertébrés.
Les scientifiques soulignent un autre point important: ces cellules à potentiel restreint chez les vers marins sont activées par une voie de signalisation moléculaire connue appelée la voie TOR, également impliquée dans la régénération chez les vertébrés, comme la salamandre. En inhibant cette voie chez le ver, la régénération est bloquée, prouvant son rôle central dans l'activation des cellules souches après une blessure.
Ce travail contribue à l'évolution des connaissances sur la biologie de la régénération, offrant un cadre méthodologique qui pourra être appliqué à d'autres espèces pour comparer les mécanismes en jeu.