Des chercheurs du CNRS, de l'Inserm et de l'université Joseph Fourier - Grenoble proposent un modèle particulièrement simple reproduisant le mécanisme de la natation de l'amibe. Ils montrent qu'en se déformant, cet organisme unicellulaire se propulse au sein d'un fluide visqueux à la même vitesse que lorsqu'il rampe en s'appuyant sur une surface solide. Ces travaux viennent d'être publiés dans la revue Physical Review Letters.
La nage des micro-organismes est fondamentalement différente de celle des poissons. A leur échelle, les effets de la viscosité sont dominants et rendent les nageoires totalement inefficaces. Les stratégies mises en œuvre sont diverses. La plupart de ces organismes se propulsent à l'aide de battements de flagelles ou de cils, d'autres, telles les amibes se déforment comme pour ramper. Mais l'efficacité de ce mode de propulsion reste encore mal comprise.
Les physiciens du laboratoire interdisciplinaire de physique (LIPhy, CNRS/Université Joseph Fourier Grenoble), de l'Université d'Oslo et de l'Institut Albert Bonniot (Inserm/Université Joseph Fourier – Grenoble) viennent de mettre en évidence des éléments essentiels de ce mode de locomotion en analysant un modèle théorique simplifié. Ils ont déterminé les déformations morphologiques nécessaires et la vitesse de propulsion, et ont montré le rôle essentiel de l'incompressibilité de la membrane de la cellule.
Pour ce travail, les chercheurs ont modélisé la cellule par une membrane fluide inextensible (c'est-à-dire pouvant se déformer, mais en conservant son aire) contenant un fluide visqueux et se trouvant au sein d'un fluide visqueux. Les déformations de la surface sont dues uniquement à des forces perpendiculaires à cette surface de la membrane. Parmi toutes les déformations possibles, les physiciens ont privilégié les déformations gardant une symétrie de révolution autour de l'axe dirigé selon la direction du déplacement. Les déformations de la cellule induisent des contraintes dans le fluide externe, qui en retour exerce une force sur la cellule. Pour simuler la nage, les chercheurs considèrent des mouvements élémentaires pendant lesquels les forces exercées sur la surface restent constantes. Ces forces conduisent la cellule d'une forme initiale à une forme finale et les calculs montrent que le déplacement effectué ne dépend que de ces formes et ne dépend pas de la vitesse du mouvement.
La nage est donc uniquement déterminée par la succession des formes prises par la cellule et la distance parcourue ne dépend que de la géométrie des surfaces. Le modèle présenté reproduit certains cycles de nage observés dans la nature. Il permettra sans doute d'approfondir notre connaissance de la mobilité cellulaire et d'imaginer de nouveaux types de micro-nageurs artificiels.
Référence:
Amoeboid Swimming: A Generic Self-Propulsion of Cells in Fluids by Means of Membrane Deformations, A. Farutin, S. Rafaï, D. K. Dysthe, A. Duperray, P. Peyla et C. Misbah. Publié le 27 novembre 2013 dans Physical Review Letters.