Frédéric-Georges Fontaine et son équipe créent des groupements chimiques "frustrés" pour améliorer une réaction couramment utilisée lors de la synthèse de médicaments et de matériaux.
Dans un récent numéro de la revue Science, une équipe du Département de chimie dirigée par le professeur Frédéric-Georges Fontaine présente une solution originale à un problème qui hantait les chimistes depuis de nombreuses années. Ces chercheurs ont développé un nouveau type de catalyseur qui peut briser les liens entre le carbone (C) et l'hydrogène (H) de façon écologique et économique.
Ces deux atomes sont omniprésents dans les composés organiques comme les glucides, les hydrocarbures et les plastiques. La liaison qui les unit est forte, ce qui assure une certaine stabilité aux molécules qui les contiennent. Par contre, cette faible réactivité pose des problèmes lorsqu'il faut briser les liaisons C-H pour créer de nouveaux composés. Jusqu'à présent, les chimistes devaient recourir à des métaux très réactifs pour briser ces liens. Ces métaux sont toutefois coûteux - plusieurs centaines de dollars le gramme - et ils génèrent des résidus toxiques pour les êtres vivants. "Le défi consistait à créer de nouveaux catalyseurs non métalliques capables de briser les liaisons C-H", résume le professeur Fontaine.
Pour y arriver, son équipe a misé sur une propriété des paires frustrées de Lewis. "Il s'agit de groupements, un acide et une base, qui ont une propension naturelle à se neutraliser, explique le chercheur. Nous les empêchons de le faire en plaçant, entre l'acide et la base, quelques atomes qui agissent comme une clôture. La "frustration" ainsi générée les pousse à briser les liaisons C-H." À l'aide d'outils de modélisation moléculaire, les chercheurs ont conçu un catalyseur non métallique qui, théoriquement, rassemblait tous les ingrédients recherchés. Ils l'ont ensuite synthétisé et ils ont démontré son efficacité pour briser les liaisons C-H. Les résultats obtenus sont si encourageants qu'une demande provisoire de brevet a été déposée.
Leur catalyseur est un organoborane qui ne contient qu'une trentaine d'atomes. Il pourrait donc être relativement simple à produire et son coût serait jusqu'à 25 fois plus bas qu'un catalyseur métallique. En prime, les résidus de la réaction ne sont pas toxiques pour les humains et les autres mammifères. "Nous avons démontré qu'il fonctionne avec un certain nombre de substrats, mais ce n'est pas un catalyseur universel. Disons que c'est le premier de sa famille et qu'il reste des réglages à faire. Toutefois, la preuve du concept est maintenant faite."
L'article publié dans Science est signé par Marc-André Légaré, Marc-André Courtemanche, Étienne Rochette et Frédéric-Georges Fontaine.