Une équipe de l'Institut de Physique du Globe de Paris (IPGP) révèle le rôle du dégazage du CO2 dans les séismes profonds sous la dorsale médio-atlantique. Leurs travaux, publiés dans Nature Communications le 10 janvier 2025, ouvrent de nouvelles perspectives sur la dynamique du manteau terrestre.
a) Carte bathymétrique de la dorsale médio-atlantique (MAR) équatoriale montrant les micro-séismes profonds découverts et la localisation des échantillons rocheux près de l'intersection transformante crête Romanche-MAR. Les lignes rouges pleines et pointillées indiquent les axes de la MAR et les discontinuités non transformantes (NTD), avec les noms des segments définis sur le côté.
b) Teneur en CO2 en fonction de la composition en baryum (Ba). Les lignes bleues pointillées et les chiffres indiquent les teneurs estimées en CO2 dans le magma primaire au segment de dorsale RC2.
c) Illustration de trois segments au sud de la faille transformante Romanche. Les zones brunes et grises représentent respectivement les lithosphères fragile et ductile. La ligne noire épaisse représente la limite de transition fragile-ductile (BDB), contrainte par la profondeur maximale des séismes, correspondant à l'isotherme de 750 °C. Les séismes profonds (10-19 km sous le fond marin) sous l'axe de la MAR sont interprétés comme résultant du dégazage de CO2 des magmas ascendants dans le manteau ductile chaud. Les lignes pointillées colorées indiquent les isothermes extraites d'un modèle thermique simulé.
Les substances volatiles comme le dioxyde de carbone (CO2) et l'eau (H2O) jouent un rôle clé dans la fusion du manteau terrestre sous les dorsales océaniques, où les plaques tectoniques s'écartent et créent de la nouvelle croûte océanique. Cependant, leur influence sur le magma en mouvement restait jusqu'ici un mystère. Une étude récente menée par l'équipe de Satish Singh, au sein de l'institut de physique du globe de Paris (IPGP) apporte un nouvel éclairage sur ce phénomène.
Grâce à des sismomètres de fond de mer (OBS) installés lors de la campagne SMARTIES en 2019, les chercheurs ont enregistré des microséismes surprenants, très profonds sous l'axe de la dorsale médio-atlantique équatoriale (MAR), une région de overture lente. Ces secousses, détectées entre 10 et 20 km sous le plancher océanique, se produisent dans le manteau chaud, bien en dessous de la limite entre la lithosphère rigide et le manteau ductile, connue sous le nom de BDB (limite rigide-ductile).
L'analyse des roches basaltiques prélevées à proximité a révélé des concentrations exceptionnellement élevées de CO2 dans le magma primaire (environ 0,4 à 3,0 % en poids). Les chercheurs suggèrent que le dégazage de ce CO2, en provoquant des changements rapides de volume dans le magma, pourrait déclencher ces séismes profonds. En d'autres termes, le magma pourrait stagner à ces profondeurs, où il continue d'évoluer avant de remonter pour former la croûte océanique.
Sismomètres de fond de mer utilisés lors de la campagne SMARTIES
Ces découvertes sont cruciales: elles montrent que les substances volatiles peuvent influencer non seulement la formation de la croûte océanique, mais aussi les mécanismes sismiques profonds. Une teneur élevée en CO2 pourrait même permettre la présence de magma à des températures plus basses que prévu sous la limite entre la lithosphère et l'asthénosphère, augmentant les hétérogénéités au sein de la lithosphère.
Cette étude ouvre de nouvelles perspectives sur la dynamique interne de la Terre et le rôle méconnu du dégazage dans les processus sismiques. Elle a été réalisée grâce au soutien du Conseil Européen de la Recherche.