L'éventuelle dégradation d'un écosystème aride peut se mesurer par la structuration spatiale de la végétation, d'après des travaux de chercheurs du CNRS et d'équipes espagnole et suisse. Cet indicateur, publié récemment dans Nature in Ecologie et Evolution, permet d'envisager la mise en place d'outils de surveillance dans le cadre des changements globaux.
Image aérienne d'un écosystème aride (Ontigola, Espagne) prise par drone. © M. Berdugo
Dans les écosystèmes arides, la répartition des plantes n'est pas due au
hasard. Elle suit, au contraire, une
organisation sous forme d'îlots, contribuant à l'aspect clairsemé caractéristique de ces écosystèmes (Fig.). Ces écosystèmes, relativement fragiles, sont soumis à des pressions croissantes à la fois d'ordre climatique et anthropique.
La répartition des plantes dans l'espace reflète le fonctionnement de l'écosystème dans lequel elles se trouvent, selon une étude, publiée dans la revue
Nature in Ecologie et Evolution, réalisée par des chercheurs de l'
Université Rey Juan Carlos, de l'université de Bern et de l'
Institut des Sciences de l'Evolution de Montpellier.
Pour la première fois à cet échelle, les chercheurs ont en effet comparé les données de terrain issues du
projet européen BIOCOM, dirigé par Fernando Maestre de Université Rey Juan Carlos à
Madrid, récoltées dans 115 écosystèmes arides, répartis sur quatre continents, à des d'images ariennes accessibles sur
Google map. Leur analyse a porté sur l'empreinte
statistique de la configuration spatiale de la
végétation - par l'
observation de la
fréquence des tailles des ilots de végétation - et sa confrontation aux mesures de fonctionnement des écosystèmes obtenues sur le terrain.
Ces travaux révèlent que l'ensemble des sites étudiés ne forment pas un gradient de fonctionnement d'écosystèmes mais se répartissent au contraire en deux catégories distinctes: les sites dont le fonctionnement est efficient et, à l'
inverse, ceux qui peuvent être considérés comme dégradés.
Ces résultats montrent qu'une perturbation des écosystèmes arides peut conduire au basculement abrupt d'un type de fonctionnement vers un autre, plutôt qu'à une réponse graduelle. Par ailleurs, cette étude montre que la structuration spatiale de la végétation reflète cette bimodalité de fonctionnement: les systèmes qui fonctionnent bien ont une signature spatiale
différente de ceux qui ont une fonctionnalité moindre.
Cette découverte permet d'envisager d'utiliser la structuration spatiale de la végétation comme indicateur du fonctionnement des écosystèmes et d'envisager la mise en place d'outils de surveillance dans le cadre des changements globaux.
Référence publication:
Plant spatial patterns identify alternative ecosystem multifunctionality states in global drylands. Miguel Berdugo, Sonia Kéfi, Santiago Soliveres & Fernando T. Maestre. Nature in Ecology and Evolution. Publication on Monday 9 January 2017.
Spatial vegetation patterns and imminent desertification in Mediterranean arid ecosystems. Kéfi, S., M. Rietkerk, C. L. Alados, Y. Pueyo, A. ElAich, V. Papanastasis & P. C. de Ruiter. 2007. Nature. 449(7159):213-217.
Contact chercheur:
Sonia Kéfi, Institut des Sciences de l'Evolution de Montpellier (ISEM) - CNRS/IRD /Univ. Montpellier/ EPHE