Photo: Ocean Wise
La morue polaire occupe un rôle clé dans l'écosystème arctique en raison de son abondance et de sa position stratégique dans la chaîne alimentaire. Le sort de la morue polaire pourrait faire basculer l'écosystème arctique
La morue polaire, une espèce pivot de l'écosystème arctique, a bien tiré profit des changements climatiques jusqu'à maintenant, mais cette période de grâce pourrait tirer à sa fin. En effet, à la faveur du réchauffement planétaire, certaines espèces de
poissons migrent vers le Nord, menaçant de détrôner la morue polaire et de transformer progressivement l'écosystème arctique en milieu semblable au golfe du Saint-Laurent. Voilà les conclusions de deux études publiées au cours des dernières semaines par l'équipe du professeur Louis Fortier, du Département de
biologie et de Québec-Océan.
Rappelons que la morue polaire occupe un rôle clé dans les eaux arctiques en raison de son abondance - elle forme 95% des assemblages de poissons pélagiques de ce milieu - et de sa position stratégique dans la chaîne alimentaire. Cette espèce se nourrit de
plancton et de krill et elle sert elle-même de nourriture à plusieurs espèces de poissons ainsi qu'aux oiseaux et aux mammifères marins. Cette espèce "entonnoir" canalise 75% de l'
énergie entre le zooplancton et les niveaux trophiques supérieurs.
Dans une étude publiée par
Progress in Oceanography, Caroline Bouchard, Maxime Geoffroy, Mathieu LeBlanc, Louis Fortier et leurs collaborateurs de Pêches et Océans Canada, Andrew Majewski, Stéphane Gauthier, Wojciech Walkusz et James D. Reist, montrent comment le
réchauffement climatique a influencé
la reproduction de la morue polaire entre 2006 et 2015. Leurs analyses révèlent que plus la
débâcle printanière - la date à laquelle le couvert de glace passe sous la barre du 50% dans une région donnée - se produit tôt dans l'année, plus la
biomasse de morues polaires juvéniles est élevée en début d'
automne. "Plus de morues signifie plus de phoques annelés, plus de baleines à dents, plus d'oiseaux marins et, ultimement, plus d'ours blancs. À première vue, ça semble donc une très bonne nouvelle pour l'écosystème arctique puisque cette débâcle se produit de plus en plus tôt grâce au réchauffement planétaire", commente Louis Fortier.
Il y a toutefois un hic. Dans une seconde étude publiée par la revue
Polar Biology, Marianne Falardeau, de l'
Université McGill, Caroline Bouchard et Louis Fortier, de l'
Université Laval, et Dominique Robert, de l'UQAR, signalent pour la première fois la présence de lançons dans l'
archipel arctique canadien. "Les Inuits de cette région n'avaient jamais vu cette espèce de poissons avant la présente
décennie, souligne Louis Fortier. Entre 2011 et 2016, nous avons capturé un nombre croissant de larves de cette espèce qu'on retrouve normalement plus au sud. Elle semble profiter des changements environnementaux pour monter vers le Nord et s'y reproduire."