Une personne sur trois devra composer avec des épisodes de douleurs neuropathiques au cours de sa vie. Les traitements actuels contre ces douleurs sont peu efficaces.
L'équipe de Steve Lacroix est sur la piste de molécules qui soulageraient les douleurs neuropathiques sans entraver le processus de
guérison des nerfs.
Qu'elles se manifestent sous forme de picotements, d'élancements, de décharges électriques ou encore de sensations de froid, de brûlure ou de tenaillement, les douleurs neuropathiques empoisonnent la
vie des personnes qui en souffrent. S'il n'existe encore aucun traitement efficace contre ces atteintes du
système nerveux, c'est qu'il est difficile d'entraver les mécanismes qui causent ces douleurs sans perturber les mécanismes de régénération des tissus touchés. L'équipe de Steve Lacroix, de la Faculté de
médecine, vient de franchir une nouvelle étape pour démêler cet écheveau douleur-régénération en publiant dans
The Journal of Neuroscience une étude qui précise le rôle des neutrophiles dans cette
mécanique. Au passage, les chercheurs démontrent que de nouveaux médicaments antidouleur présentement en développement visent la mauvaise cible.
Les maladies neuropathiques sont dues à une lésion du système nerveux, le plus souvent à un nerf, qui survient à la suite d'un traumatisme ou d'une
maladie. Environ le tiers de la population devra composer avec des épisodes plus ou moins prolongés de douleurs neuropathiques au cours de sa vie. Deux molécules synthétisées dès le début d'une atteinte neuropathique - IL-1ß et TNF - sont soupçonnées de jouer un rôle dans l'apparition de la
douleur parce qu'elles orchestrent la réponse inflammatoire et qu'elles attirent les neutrophiles et les monocytes vers les tissus blessés. Des médicaments visant à bloquer l'action de ces deux molécules sont d'ailleurs en développement, mais le professeur Lacroix et ses collaborateurs arrivent avec de mauvaises nouvelles.
Les travaux qu'ils ont menés chez des souris dépourvues de IL-1ß, de TNF ou de récepteurs de ces deux molécules montrent qu'elles semblent ressentir moins de douleurs que les souris normales après un pincement du nerf sciatique. En absence de ces protéines et de leurs récepteurs, moins de neutrophiles et de monocytes sont attirés vers les tissus blessés, mais la réparation du nerf se déroule moins bien. Lorsqu'on injecte ces deux molécules à proximité du nerf endommagé des souris dépourvues des deux molécules, on restaure leur sensibilité à la douleur au même niveau que celle des souris normales. Enfin, si on bloque l'arrivée des neutrophiles au site de la
blessure, la réparation du nerf n'est pas affectée.
"Les neutrophiles jouent un rôle clé dans l'origine des douleurs neuropathiques sans participer au processus de réparation des nerfs, conclut Steve Lacroix. Un bon traitement consisterait donc à limiter l'arrivée des neutrophiles au site atteint pour prévenir la douleur sans pour autant bloquer les molécules pro-inflammatoires comme IL-1ß et TNF, qui contribuent à la réparation des tissus. Nous croyons qu'il est possible d'atteindre ces deux objectifs simultanément."
L'article paru dans
The Journal of Neuroscience est signé par Sylvain Nadeau, Serge Rivest, Denis Soulet et Steve Lacroix, du Centre de
recherche du CHUQ, et par leurs collaborateurs des universités McGill, de l'Alberta, de Tokyo et de
Miami.