Comment la vie se développe-t-elle ? Plus précisément, comment les cellules humaines s'organisent-elles pour former la peau, les muscles, les os, un cerveau, un doigt, ou une colonne vertébrale ? Bien que les réponses restent partiellement inconnues, une voie de recherche prometteuse réside dans l'étude de la gastrulation, la seconde phase de développement embryonnaire après la segmentation. Dans cette étape cruciale, les cellules embryonnaires évoluent d'une structure unidimensionnelle à une structure multidimensionnelle dotée d'un axe corporel principal. Chez l'humain, ce processus se produit environ 14 jours après la conception.
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Étudier les embryons humains à ce stade étant impossible, des chercheurs de l'Université de Californie à San Diego, de l'Université de Dundee au Royaume-Uni et de l'Université Harvard se sont penchés sur les embryons de poulet, partageant de nombreuses similitudes avec les embryons humains à ce stade. Mattia Serra, professeur adjoint de physique à l'UC San Diego et théoricien intéressé par les motifs émergents dans les systèmes biophysiques complexes, a dirigé cette recherche.
L'équipe de Serra a développé un modèle mathématique basé sur les données fournies par les biologistes de l'Université de Dundee. Pour la première fois, ce modèle a réussi à reproduire les flux de gastrulation – le mouvement de dizaines de milliers de cellules dans l'ensemble de l'embryon de poulet – observés au microscope. Ensuite, le modèle a été "perturbé", c'est-à-dire que les conditions initiales ou les paramètres présents ont été modifiés.
Les résultats furent surprenants: le modèle a généré des flux cellulaires qui n'étaient pas naturellement observés chez le poulet, mais qui étaient présents chez deux autres espèces de vertébrés: la grenouille et le poisson. Pour s'assurer que ces résultats n'étaient pas une simple fantaisie mathématique, les collaborateurs en biologie ont reproduit les perturbations exactes du modèle dans le laboratoire sur l'embryon de poulet. De manière frappante, ces embryons de poulet manipulés ont également montré des flux de gastrulation naturellement observés chez les poissons et les grenouilles.
Publiés dans Science Advances, ces travaux suggèrent que certains principes physiques de l'auto-organisation multicellulaire pourraient avoir évolué de manière similaire à travers les espèces de vertébrés. Selon Serra, bien que poissons, grenouilles et poulets vivent dans des environnements différents, les principes d'auto-organisation au début de la gastrulation pourraient être communs à ces trois espèces.
Cette recherche pourrait avoir des implications importantes dans la conception de biomatériaux et la médecine régénérative, avec l'espoir d'améliorer la santé et la longévité humaines. Serra et ses collaborateurs étudient désormais d'autres mécanismes qui conduisent à des motifs d'auto-organisation à l'échelle de l'embryon.