Les cassures double-brin de l'ADN sont particulièrement dangereuses. Les chercheurs de l'équipe d'Evi Soutoglou à l'Institut de génétique et de biologie moléculaire et cellulaire viennent de mettre en évidence que le choix des mécanismes de réparation naturels de la cellule en réponse à ce type de lésion est fonction de la localisation des gènes dans le noyau. Ces résultats sont publiés dans la revue Genes & Development.
Notre organisme est continuellement soumis à des facteurs endogènes et environnementaux qui peuvent porter atteinte à son intégrité et provoquer des lésions de l'ADN. Les cassures double-brin (CDB) de l'ADN sont particulièrement critiques pour l'organisme et peuvent être à l'origine de cancers. La cellule est heureusement dotée de plusieurs systèmes permettant de détecter et réparer ses lésions. Ils sont plus ou moins efficaces et leur utilisation dépend notamment du moment auquel a lieu la lésion au cours du cycle cellulaire. Avant de se diviser la cellule réplique son ADN qui est copié afin de produire deux chromatides soeurs.
Figure: En fonction de la localisation des gènes lésés au sein du noyau, la cellule est capable d'enclencher des mécanismes de réparation différents et adaptés.
Il existe au moins deux grands types de réparation des CBD reposant sur des mécanismes totalement différents. La recombinaison homologue (HR) utilise une séquence d'ADN identique à celle endommagée (la chromatide soeur) pour reconstituer le morceau d'ADN manquant. Ce mécanisme ne peut donc être utilisé que quand l'ADN cellulaire est répliqué. En revanche, le système de réparation par jonction d'extrémités non-homologues (NHEJ) soude directement les deux extrémités de la lésion. Ce mécanisme a l'avantage de pouvoir opérer tout au long du cycle cellulaire. En parallèle de cette voie, une voie alternative de ligature d'extrémités non-homologues (A-EJ), beaucoup moins fidèle, a également été décrite en l'absence de NHEJ, mais les mécanismes de son contrôle sont pour le moment obscurs.
En fonction de l'étape du cycle cellulaire, mais également de sa localisation dans le noyau, la forme que prend l'ADN (chromatine) est plus ou moins compacte. Sachant que l'ADN cellulaire n'est pas rangé aléatoirement dans le noyau, l'équipe d'Evi Soutoglou s'est intéressée à l'influence de la localisation de l'ADN dans le noyau sur le type de réparation enclenché. Alors qu'à l'intérieur du noyau, c'est en général HR ou NHEJ qui étaient mises en oeuvre, les chercheurs ont montré que les lésions portant sur des gènes situés à proximité de l'enveloppe nucléaire enclenchaient exclusivement les mécanismes NHEJ ou A-EJ. C'est d'ailleurs la première fois que le mécanisme A-EJ est mis en évidence dans des conditions physiologiques où NHEJ est fonctionnel. Ces résultats s'expliqueraient par le fait qu'en périphérie du noyau, de nombreuses séquences répétées du même gène sont présentes, et qu'enclencher la HR augmenterait le risque d'utiliser une mauvaise séquence en lieu et place de la chromatide soeur. De plus, le fort degré de compaction de l'ADN à cet endroit empêcherait le recrutement de la protéine responsable de la HR, inhibant ainsi ce mécanisme. Enfin, les gènes situés en périphérie du noyau n'étant pas exprimés, une erreur dans la réparation liée à l'utilisation de A-EJ n'a pas de conséquence dramatique.
Ces résultats montrent pour la première fois une ségrégation des mécanismes de réparation des CDB en fonction de la localisation des gènes cibles au sein du noyau. Ils apportent également de nouvelles connaissances sur le mécanisme de réparation A-EJ, jusqu'alors assez peu décrit.