Les bloqueurs de pubs mettent en péril la gratuité de ce site.
Autorisez les pubs sur Techno-Science.net pour nous soutenir.
▶ Poursuivre quand même la lecture ◀
Mieux que le graphène: le bore bidimensionnel
Publié par Adrien, Source: BE Etats-Unis numéro 290 (18/05/2012) - Ambassade de France aux Etats-Unis / ADIT - http://www.bulletins-electroniques.com/ ... /70051.htm Illustration: Université de Manchester / Chris EwelsAutres langues:
Il n'est plus besoin de présenter le graphène, ce fameux cristal monoplan de carbone qui fait tant parler de lui ces dernières décennies. Son succès tient à ses propriétés remarquables de conductivité, robustesse, légèreté, flexibilité et à son caractère bidimensionnel qui en font un candidat idéal pour les futures plate-formes électroniques.
Alors que les études abondent sur ce cristal, des chercheurs de Rice Université au Texas se sont intéressés à un autre matériau: le bore bidimensionnel. Avec une approche originale, ils ont pu montrer l'existence de nombreuses configurations stables pour les monoplans d'atomes de bore pur. Une fois enroulés en nanotubes, ces derniers restent toujours métalliques, ce qui présente un avantage par rapport aux nanotubes de carbone. En effet, un obstacle majeur au développement et à la conception des nanotubes de carbone tient à leur propriété de chiralité: deux arrangements de symétriedifférente sont possibles qui entraînent selon le cas des propriétés métalliques ou semi-conductrices. Le physicien théoricien Yacobson espère ainsi pouvoir faire du bore bidimensionnel un excellent moyen de transport d'énergie par fils quantiques, qui présenteraient les mêmes avantages que le carbone, mais en évitant la difficulté de devoir sélectionner une symétrie particulière.
Molécule de graphène. Le bore bidimensionnel pourrait-il le supplanter ?
Afin d'étudier les configurations stables du métal pur de bore bidimensionnel, Yacobson et son collègue Evgeni Penev, ont choisi d'utiliser une méthode de calcul habituellement utilisée pour les alliages. Ils ont pour cela considéré le métal comme un pseudo-alliage de deux constituants: les atomes de bore d'une part et les espaces vacants sans atomes de bore d'autre part. Le raisonnement rappelle celui du gruyère, pour lequel on considère les trous du gruyère comme un élément constitutionnel du fromage, et qui le définissent. Cette astuce permet d'éviter les méthodes de calcul traditionnelles qui auraient été bien trop coûteuses et trop longues pour tester les centaines de configurations possibles des monoplans de bore.
Nous pouvons décrire deux configurations extrêmes pour une feuille d'atomes de bore. Si tous les atomes de bore sont présents dans la matrice, ils s'arrangent alors en triangles et la matrice est dite triangulaire. Si l'on retire tous les atomes possibles de la matrice, on obtient alors un atome manquant à chaque troisième position des triangles, et la matrice devient hexagonale (chaque atome manquant étant au centre de six triangles avant de s'échapper de la matrice). Cette dernière configuration correspond à l'arrangement des atomes de carbone au sein du graphène. Il s'agit de la configuration optimale des monoplans de carbone.
Etonnamment, les calculs de Yacobson et de son équipe montrent que dans le cas des feuilles de bore, une gamme importante de configurations structurelles possibles existe, toutes de stabilité égale. L'énergie de base de ces configurations est essentiellement indépendante de la proportion d'espaces vacants. Ainsi la configuration optimale est intermédiaire entre la configuration hexagonale et la configuration triangulaire, avec 10 à 15% d'atomes manquants dans la matrice. A chaque répartition donnée des espaces vacants au sein de la matrice correspond une configuration, ce qui entraîne une diversité de formes possibles très riche, et qui sont par ailleurs toujours métalliques. C'est ce qui fait la différence drastique avec le cas du graphène, pour lequel tout écart par rapport à la configuration hexagonale est appelé "défaut".
Le bore bidimensionnel, bien qu'encore difficile à manipuler, est donc prometteur. Ses propriétés métalliques et son polymorphisme sont deux avantages significatifs par rapport au graphène. Il mérite ainsi qu'on l'étudie tout autant que le graphène.
Il reste encore beaucoup à faire, concernant la validation expérimentale ainsi que la partie pratique. Notamment, comment synthétiser les nanotubes de bore et dans quelles conditions ? Nous pouvons nous attendre à ce que cette synthèse soit polymorphique, avec un méli-mélo de configurations contenues dans chaque feuille, toutes équivalentes et ayant autant de chance de se former. Il y a donc là tout un champ d'études à explorer...