Si quelqu'un, un jour, n'avait pas pensé à fabriquer les tenues des membres des équipes sportives de la même couleur, il est très possible que nous soyons obligés de regarder les matchs de la Coupe du monde de football entre deux équipes n'ayant qu'un joueur chacune plus un arbitre.
Ceci parce que la couleur nous aide à suivre les objets. Des psychologues de l'université Johns Hopkins ont démontré que c'est ce codage de couleur qui permet aux spectateurs, aux joueurs ou aux entraîneurs de surmonter la limite naturelle qu'ont les êtres humains à ne pouvoir suivre qu'un maximum de trois objets à la fois.
"On sait depuis un certain temps que l'être humain est limité quant à l'attention qu'il est capable de porter à plus de trois objets simultanément", indique Justin Halberda, professeur de sciences psychologiques. "Nous avons découvert que les gens sont toutefois capables de se concentrer sur plus de trois éléments à la fois, si ceux-ci partagent une couleur commune. Nos travaux suggèrent que cette couleur commune permet aux gens de surmonter la limite habituelle, parce que le 'codage de couleur' leur permet de percevoir des personnes distinctes comme un ensemble unique".
Ainsi les supporters brésiliens et français suivent facilement leurs joueurs préférés respectivement de jaune et de bleu vêtus. (Et comme les gardiens de but portent généralement des couleurs différentes à celles des joueurs de champ, il faut un petit temps d'adaptation et d'autres critères pour se rappeler quel gardien va avec quelle équipe).
Les capacités de tri par couleur sont essentielles dans d'autres domaines que le sport dans l'interprétation que nous donnons aux larges collections d'éléments. Les joueurs de poker estiment la valeur du tapis d'un coup d'œil à la couleur des différents jetons ; un regard dans le réfrigérateur suffit à l'organisatrice d'un pique-nique pour savoir si elle a la bonne proportion entre les canettes rouges de Coca et bleues de Pepsi.
Les chercheurs ont tiré leur conclusion en demandant à des étudiants volontaires de visualiser des séries de points colorés apparaissant sur un écran d'ordinateur sombre. Les sujets ont été invités à estimer le nombre de points dans un ensemble pris au hasard à chaque essai. La moitié du temps, il était indiqué à l'avance aux sujets de prêter uniquement attention par exemple au points rouges ou uniquement aux points verts. Le reste du temps, il a été demandé aux sujets de stocker autant d'informations que possible dans leur mémoire visuelle de ce qu'ils voyaient brièvement sur l'écran. Certains ensembles contenaient jusqu'à 35 points et les sujets ne pouvaient les observer que pendant moins d'une demi seconde ce qui, selon Halberda, "est une période trop courte pour permettre de compter réellement les points".
Les sujets se sont peu trompé dans leurs réponses s'il leur avait été indiqué par avance la couleur à laquelle prêter attention, ceci indépendamment du nombre de couleurs différentes présentées. Cela indique clairement que les êtres humains peuvent sélectionner un ensemble qui partage une couleur commune. Les sujets ont été également très précis à énumérer un sous-ensemble de couleur lorsqu'on leur indiquait la couleur après l'expérience à condition toutefois que l'ensemble qu'on leur avait présenté ne contenait que trois ou très peu de couleurs.
"Nous avons constaté que les êtres humains ne peuvent pas stocker l'information sur plus de trois ensembles en même temps", conclut Halberda. "C'est une contrainte importante sur la façon dont les êtres humains perçoivent les collections composées de nombreux éléments dans la vie de tous les jours et interagissent avec elles".