Première détection de lithium dans les restes d'une nova

Publié par Redbran,
Source et images: ESO
Autres langues:
Restez toujours informé: suivez-nous sur Google Actualités (icone ☆)

Pour la première fois, des traces de l'élément chimique lithium ont été découvertes dans les matériaux éjectés par une nova. Des observations de la nova Centauri 2013 effectuées au moyen de télescopes de l'ESO installés à l'Observatoire de La Silla ainsi qu'à proximité de Santiago au Chili, permettent de mieux comprendre la raison pour laquelle de nombreuses jeunes étoiles semblent contenir une plus grande proportion de cet élément chimique que prévu. Cette nouvelle découverte vient compléter le puzzle de l'évolution chimique de notre galaxie, et constitue une réelle avancée pour les astronomes impliqués dans l'étude de la composition chimique des étoiles de la Voie Lactée.


Nova Centauri 2013. Cette image a été acquise par le Télescope de Nouvelle Technologie installé à l'Observatoire de La Silla de l'ESO en juillet 2015, soit plus de dix-huit mois après l'explosion. Elle est centrée sur la nova Centauri 2013, qui nous apparaît sous l'aspect d'une étoile très brillante. Au sein de son éjecta ont été pour la toute première fois détectées des traces de lithium.
Crédit: ESO
Le lithium est un élément chimique léger dont la création, au même titre que celle d'autres éléments, remonterait au Big Bang, soit à 13,8 milliards d'années. Pour autant, la compréhension des quantités de lithium détectées au sein des étoiles de l'Univers contemporain s'est avérée constituer un véritable casse-tête pour les astronomes. Les étoiles plus âgées renferment moins de lithium que prévu en effet [1], tandis que quelques autres, plus jeunes, peuvent en contenir dix fois plus [2].

Dans les années 1970, les astronomes ont envisagé la possibilité que la surabondance de lithium observée dans les jeunes étoiles résulte de novae – soit de l'explosion d'étoiles qui expulsent de la matière dans l'espace interstellaire, et contribuent par là-même à la création d'une nouvelle génération d'étoiles. Mais aucune étude poussée de plusieurs novae n'a jusqu'à présent permis de confirmer ou infirmer cette hypothèse.

Une équipe menée par Luca Izzo (Université La Sapienza de Rome et ICRANet, Pescara, Italie) a utilisé l'instrument FEROS qui équipe le télescope MPG/ESO de 2,2 mètres à l'Observatoire de La Silla de l'ESO, ainsi que le spectrographe PUCHEROS installé sur le télescope de 0,5 mètre de l'ESO à l'Observatoire de l'Université Catholique Pontificale du Chili à Santa Marina près de Santiago, dans le but d'étudier la nova Centauri 2013 (V1369 Centauri). Cette étoile, située non loin de la très brillante Beta Centauri dans le ciel austral, a explosé en décembre 2013. Elle est à ce jour la nova la plus brillante de ce siècle et est facilement observable à l'œil nu [3].


Sur cette carte figure, à l'endroit du cercle rouge, l'emplacement de Nova Centauri 2013 dans la constellation du Centaure. Y figure également l'ensemble des étoiles visibles à l'œil nu par temps clair. La nova est devenue visible à l'œil nu fin 2013. Une étude poussée de la lumière en provenance de cette nova a permis de détecter des traces de l'élément lithium, les toutes premières jamais découvertes au sein d'une nova.
Crédit:ESO/IAU and Sky & Telescope
Très détaillées, les données nouvellement acquises ont révélé la signature claire de lithium expulsé de la nova à quelque deux millions de kilomètres par heure [4]. Il s'agit là de la première détection à ce jour de cet élément au sein de la matière éjectée par une nova.

Massimo Della Valle (INAF-Observatoire Astronomique de Capodimonte, Naples, et ICRANet, Pescara, Italie), co-auteur de l'étude, explique toute l'importance de cette découverte: “Il s'agit d'une réelle avancée. Si nous nous figurons l'histoire de l'évolution chimique de la Voie Lactée sous l'aspect d'un puzzle, alors le lithium en provenance des novae en constituait l'une des plus importantes et des plus énigmatiques pièces manquantes. En outre, tout modèle de Big Bang est susceptible d'être remis en question tant que l'énigme du lithium n'est pas résolue.”

La masse du lithium éjecté de la Nova Centauri 2013 semble faible – elle représenterait moins d'un milliardième de la masse du Soleil. Mais le fait que plusieurs milliards d'étoiles se soient changées en novae au cours de l'histoire de la Voie Lactée, suffit à rendre compte de la présence inattendue de vastes quantités de lithium au sein de notre galaxie.

Les co-auteurs Luca Pasquini (ESO, Garching, Allemagne) et Massimo Della Valle ont recherché des preuves de l'existence de lithium au sein des novae durant plus d'un quart de siècle. Leurs efforts se trouvent enfin récompensés. Pour le jeune scientifique qu'est Luca Izzo, auteur principal de cette étude, le plaisir est tout autre: “Il est très excitant de faire la découverte d'une chose prévue bien avant ma naissance et de l'observer pour la toute première fois le jour de mon anniversaire en 2013 !”

Sur cette image figure la partie australe de la Voie Lactée, vue depuis l'Observatoire de La Silla. Une étoile particulière se distingue des autres par sa luminosité: il s'agit de Nova Centauri 2013, également baptisée V1369 Centauri. A gauche figure le Télescope Submillimétrique Suédois de l'ESO (SEST).

Notes
[1] La sous-abondance de lithium dans les étoiles plus âgées constitue une énigme de longue date. Cette problématique a été abordée au sein des Communiqués de Presse suivants: eso1428, eso1235 et eso1132.

[2] Les qualificatifs “plus jeunes” et “plus âgées” s'appliquent aux étoiles que les astronomes classent, respectivement, parmi celles de Population I et de Population II. Au sein de la Population I figure le Soleil – plus généralement, les étoiles riches en éléments chimiques lourds qui constituent le disque de la Voie Lactée. Les étoiles de Population II, plus âgées, renferment moins d'éléments lourds, peuplent le bulbe et le halo de la Voie Lactée ainsi que les amas globulaires. Notons que les étoiles de la Population I, quoique “plus jeunes”, peuvent être déjà âgées de quelques milliards d'années !

[3] Ces télescopes de dimensions relativement faibles, équipés de spectrographes appropriés, constituent de puissants outils pour ce type de recherche. Ainsi donc, même à l'ère des télescopes extrêmement grands, les télescopes plus petits, dédiés à des tâches spécifiques, sont susceptibles d'offrir de précieux services.

[4] Cette vitesse élevée, de la nova vers la Terre, se traduit par un décalage significatif, vers l'extrémité bleue du spectre, de la raie en absorption témoignant de la présence de lithium.

Plus d'informations
Ce travail de recherche a fait l'objet d'un article intitulé “Early optical spectra of Nova V1369 Cen show presence of lithium”, par L. Izzo et al., et publié dans l'édition en ligne de la revue Astrophysical Journal Letters.

L'équipe est composée de Luca Izzo (Université La Sapienza de Rome et ICRANet, Pescara, Italie), Massimo Della Valle (INAF–Observatoire Astronomique de Capodimonte, Naples; ICRANet, Pescara, Italie), Elena Mason (INAF–Observatoire Astronomique de Trieste, Trieste, Italie), Francesca Matteucci (Université de Trieste, Trieste, Italie), Donatella Romano (INAF–Observatoire Astronomique de Bologne, Bologne, Italie), Luca Pasquini (ESO, Garching près de Munich, Allemagne), Leonardo Vanzi (Département d'Ingénierie Electrique et Centre d'Astro-Ingénierie, PUC-Chile, Santiago, Chili), Andres Jordan (Institut d'Astrophysique et Centre d'Astro-Ingénierie, PUC-Chile, Santiago, Chili), José Miguel Fernandez (Institut d'Astrophysique, PUC-Chile, Santiago, Chili), Paz Bluhm (Institut d'Astrophysique, PUC-Chile, Santiago, Chili), Rafael Brahm (Institut d'Astrophysique, PUC-Chile, Santiago, Chili), Nestor Espinoza (Institut d'Astrophysique, PUC-Chile, Santiago, Chili) et Robert Williams (STScI, Baltimore, Maryland, Etats-Unis).
Page générée en 0.455 seconde(s) - site hébergé chez Contabo
Ce site fait l'objet d'une déclaration à la CNIL sous le numéro de dossier 1037632
A propos - Informations légales
Version anglaise | Version allemande | Version espagnole | Version portugaise