Les ARN messagers des eucaryotes se terminent par une succession de plusieurs dizaines d'adénosines, communément appelée queue poly(A). Un raccourcissement de cette queue poly(A) est classiquement associée à une inhibition de la traduction de l'ARNm et à sa déstabilisation. En utilisant la plante modèle Arabidopsis thaliana, des chercheurs de l'Institut de biologie moléculaire des plantes révèlent un mécanisme de réparation des queues poly(A) par l'ajout d'uridines. Ces travaux, publiés dans la revue Cell Reports, ouvrent une nouvelle voie de recherche dans la compréhension des processus régulant la traduction, la dégradation ou le stockage d'ARNm.
Le génome est dépositaire de l'information génétique propre à chaque organisme. Cette information s'exprime via la synthèse de deux grands types d'ARN: les ARN codants pour des protéines, appelés ARN messagers (ARNm), et les ARN non-codants qui exercent des fonctions catalytiques, structurales ou régulatrices. L'ensemble de ces ARN forme le transcriptome. Une régulation dynamique du transcriptome et de l'activité biologique des ARN est essentielle à la survie et au développement des organismes. En effet, l'expression génique doit être ajustée rapidement en réponse à des signaux environnementaux ou développementaux. Cet ajustement est contrôlé à de multiples niveaux, y compris lors de la traduction et du contrôle de la stabilité des ARNm. Deux éléments structuraux communs à la quasi-totalité des ARNm eucaryotiques participent à ce contrôle de la traduction et de la stabilité: un nucléotide modifié en 5' appelé la coiffe, et une succession de plusieurs dizaines d'adénosines en 3', la queue poly(A). Cette queue poly(A) est recouverte par les poly(A) binding proteins (PABP), qui assurent un rôle protecteur mais aussi régulateur via des interactions avec divers facteurs cellulaires. Le raccourcissement de la queue poly(A) par des ribonucléases spécialisées est appelé étape de déadénylation. Cette étape constitue la première phase de la voie générale de dégradation des ARNm. Passé un seuil critique provoquant la dissociation des PABP, la déadénylation conduit à l'inhibition de la traduction et à l'élimination de l'ARNm par les ribonucléases.
L'équipe "Dégradation des ARN" dirigée par Dominique Gagliardi à l'Institut de biologie moléculaire des plantes, a identifié une nouvelle étape du métabolisme des ARNm chez Arabidopsis thaliana. Ces travaux montrent que l'ajout d'uridines en 3' des queues poly(A) des ARNm permet de contrôler et de stopper la phase de déadénylation. Une analyse globale de l'uridylation des ARNm montre que le nombre d'uridines ajoutées dépend en fait du nombre d'adénosines encore présentes après l'étape de déadénylation. Cette réparation des queues poly(A) par des uridines permet de restaurer une taille minimum permettant la liaison d'une PABP. La découverte de ce mécanisme de réparation ouvre de nouvelles perspectives d'études sur le devenir des ARNm ayant subi une phase de déadénylation. Elle permet notamment d'envisager une nouvelle voie de recherche sur la compréhension des processus régulant la traduction ou le stockage d'ARNm en réponse à des stress.