En présence d'un antigène, les lymphocytes B du système immunitaire peuvent être le siège d'un processus de recombinaison majeur appelé commutation isotypique, qui permet aux cellules d'exprimer un type d'anticorps en particulier. Ce processus requiert une transcription, dans les deux sens, de séquences d'ADN bien spécifiques. Mais dans une étude parue le 4 mars 2011 dans The EMBO Journal, une équipe de l'Institut de Pharmacologie et de Biologie Structurale a montré in vivo que la seule transcription "sens" est en fait nécessaire et suffisante à la commutation isotypique.
Les lymphocytes B sont les seules cellules de l'immunité capables de synthétiser des anticorps. Suite à leur rencontre avec un antigène, certains lymphocytes B matures, qui expriment initialement des immunoglobulines de classe M (IgM), peuvent évoluer pour produire d'autres isotypes (IgE, IgA ou IgG). Ce changement, ou commutation isotypique, s'opère grâce à une recombinaison au niveau du gène codant le domaine constant des chaînes d'immunoglobulines de l'anticorps, tout en gardant intact le domaine variable spécifique de l'antigène. De nombreuses études ont montré que la transcription de ces séquences génétiques particulières se fait de manière bidirectionnelle et constitue une étape indispensable à l'initiation de la commutation isotypique par l'enzyme clé du processus, l'AID, chargée de casser le double-brin d'ADN. Cependant, le rôle biologique des deux types de transcrits "sens" et "antisens" produits au préalable de l'action enzymatique de l'AID, n'a toujours pas été identifié.
En collaboration avec Zéliha Oruc et Claire Carrion du laboratoire Physiologie Moléculaire de la Réponse Immune et Lymphoprolifération (PMRIL, CNRS/Université de Limoges) et Marc Le Bert de l'unité Immunologie et Embryologie Moléculaire (IEM, CNRS/Université d'Orléans), l'équipe dirigée par Ahmed Amine Khamlichi à l'Institut de Pharmacologie et de Biologie Structurale (IPBS, CNRS/Université Toulouse III - Paul Sabatier) est parvenue, pour la première fois, à dissocier, in vivo, les deux types de transcription, "sens" et "antisens". Les chercheurs ont alors entrepris d'analyser le processus de commutation isotypique chez des souris mutantes, où la transcription a en partie été bloquée, afin qu'elle ne se fasse que dans un sens en particulier. L'expérience a clairement montré que les transcrits "sens" des séquences de recombinaisons sont absolument requis pour une commutation isotypique optimale, tandis que les transcrits "anti-sens" sont largement dispensables. La transcription "sens" paraît donc suffisante au ciblage de l'enzyme AID vers les deux brins d'ADN.
Ces travaux remettent en question plusieurs modèles en vogue et ouvrent d'importantes perspectives vis-à-vis des mécanismes épigénétiques et transcriptionnels impliqués dans le ciblage de l'AID vers les loci des immunoglobulines. Ils permettront également de tester certaines hypothèses quant à l'implication directe de cette enzyme dans les translocations chromosomiques responsables de certains types de cancer.